30 août 2007

Nuisible

J'en étais à peu près certaine : mettre le petit orteil dans la bibliothèque de Sciences Po à moins d'une semaine de l'échéance fatidique du concours me ferait sans aucun doute rencontrer un nuisible. Pardon, un co-préparationnaire.

Il existe en réalité deux types de personnes de ma connaissance sur qui je peux tomber en ce moment à la bibliothèque : ceux qui sont sympas et ceux qui ne le sont pas. Il faut fuir les deux.

Les premiers parce que ce sont mes amis, et que j'ai donc envie de leur parler, ce à quoi je peux facilement passer la journée. Je les apprécie, mais ils nuisent fortement à ma productivité. Je sais, c'est moche de parler comme ça, mais c'est la vérité. Si je vais à la bibliothèque, ce n'est pas pour socialiser.

Les seconds parce qu'ils sont nuisibles. Ils sont en général flippés et trouvent très rassurant de communiquer leur angoisse aux autres. A moi par exemple. Heureusement, j'ai une grande faculté autistique avec ces derniers. Mais je suis toujours atterrée de voir qu'ils s'épanouissent si librement.

Hier, j'y suis allée à reculons, en regardant le bout de mes chaussures pour n'en croiser aucun. Mais un individu de la deuxième catégorie m'est tombé dessus malgré mes tentatives désespérées pour lui échapper. Et il a été égal à lui-même :

"Tiens, salut, ça va ?" (avec voix des Inconnus dans Auteuil, Neuilly, Passy, traînante sur les voyelles, vous situez ?) "Alors, t'es prête ?"

"Ah ouais, tu travailles sur CE bouquin ? Nan parce que moi, tu vois, je le trouve un peu jargonneux... Il parle beaucoup pour ne rien dire, NON ?!"

"Et sinon, en droit public, tu as lu quoi ? Ah bon ? j'avais trouvé qu'il avait vraiment BEAUCOUP de lacunes... Y a des pans ENTIERS du programme qui n sont pas traités. Mais bon, si ça te suffit..."

Il a fini par partir, pensant avoir craché suffisamment de venin pour me démoraliser jusqu'à la fin de la semaine prochaine.

Vous pensez que j'exagère, que j'invente cette histoire, qu'il ne peut y avoir d'idiots pareils. Et pourtant si ! Mais le meilleur, c'est que je crois qu'il a cru que sa pathétique technique avait marché...


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28 août 2007

Que vous dire ?

Je pourrais vous dire qu'hier, il a fait beau à Paris, ce qui m'a permis de sortir pour la première fois de son placard ma toute nouvelle robe à pois achetée en soldes qui n'avait pas encore vu la lumière du jour. Elle était presque aussi contente que moi, surtout quand "on" m'a dit "ben dis donc, kesssssssssse que t'es jolie !". Je n'ai pas osé avouer que j'avais mis le paquet pour compenser les 2871273 derniers jours, où je ne portais que d'infâmes bas de jogging me servant accessoirement de pyjama avec des débardeurs Petit Bateau. Oui, je pourrais vous raconter ça, mais comme vous n'avez jamais vu ni cette robe ni mes bas de pyjama, vous ne pouvez pas vous imaginer.

Je pourrais vous dire qu'hier, j'ai revu une amie que je n'avais pas vue depuis telllllllllement longtemps qu'on avait telllllllllement de choses à se dire. Je pourrais presque vous retransrire l'intégrale de notre conversation. Mais vous la connaissez encore moins que vous ne me connaissez, cela pourrait donc fortement vous ennuyer. Et comme elle, elle ne vous connaît pas du tout, cela pourrait fortement la gêner.

Je pourrais vous dire qu'hier, j'ai été prendre un verre en afterwork avec un ami qui ne sortait finalement pas du boulot mais de l'enterrement de l'un de ses copains. Je pourrais vous raconter sur un ton larmoyant les souffrances endurées par ce jeune homme, les yeux mouillés de mon ami quand il en parlait, et les platitudes que j'ai étalées pour tenter de le réconforter. Mais je n'ai pas d'actions chez Cleanex (oui, je pense que Kleenex est un jeu de mots qui vient de "clean" et non de Paul Klee, mais je peux me tromper), et vous pourriez trouver que je donne dans le mélo facile.

Je pourrais vous dire que mon fleuriste me fait la gueule de façon à peine voilée. Comme presque toutes les semaines, je suis allée m'acheter quelques bottes pour enlever à mon cocon ce sale air d'appartement mort après 2 mois d'absence. Pendant qu'il me fait mon bouquet, il me demande avec le sourire comment je le veux, mon bouquet. Et si c'est bientôt la rentrée. Et si je suis partie en vacances. Je lui dis que non, pas trop. Il me demande où je suis partie, toujours avec le sourire. Il me demande pourquoi j'ai pris si peu de vacances, si je viens de commencer à travailler. Je lui dis que je prépare un concours pour bientôt. Il me souhaite bon courage, avec le sourire. Et il me demande l'air de rien "mais un concours de quoi, au fait ?". J'ai voulu répondre un concours canin, mais j'ai été trop vite honnête. Le sourire est devenu une porte de prison et il m'a dit au revoir. Je pourrais vous raconter ça, mais vous pourriez penser que j'essaie simplement d'attirer honteusement votre pitié en jouant encore la mal-aimée.

Alors on va dire que je ne vous ai rien dit, d'accord ?

26 août 2007

Je suis nulle (épisode 1)

Il y a plein de domaines dans lesquelles je suis nulle. Petit aperçu de mes nullités (quatre pour commencer, on va y alller doucement)...

Je suis nulle... en dignité cinématographique. Honnêtement, je ne pleure pas souvent. C'est peut-être parce que je n'ai que de rares raisons de pleurer. Mais je connais des gens (souvent des filles d'ailleurs, ça doit être hormonal) qui aiment se faire pleurer volontairement. Il y a quelques années, j'avais une copine qui pratiquait régulièrement ce qui devait s'apparenter selon elle à un rite de purification : toute seule, dans le noir, chants grégoriens sinistres en fond sonore, elle s'imaginait que ses proches étaient morts, elle détaillait mentalement leur disparition, sa vie sans eux, jusqu'à ce qu'une fontaine de larmes jaillisse de ses yeux pour de longs moments de désespérance injustifiée.

Bref, je n'aime pas pleurer et j'évite tant que je peux. Il n'y a qu'un seul truc qui me fasse vraiment pleurer : la mort. Mais il y a un endroit où je ne peux rien faire contre les larmes : au cinéma. Je suis une véritable mauviette devant un film.

Même devant un film vu, revu et re-revu, je ne peux pas me retenir, je suis une calamité aqueuse. Parle avec elle, Le Patient anglais ou The constant gardener, notamment, sont des tireurs de larmes professionnels. Je ne sais alors plus du tout me tenir, je pleure, je me mouche, j'embête tous mes voisins plus stoïques. En somme : emmenez-moi voir des comédies niaises, si vous craignez l'humiliation publique.

Je suis nulle... en pipi dans la nature. Déjà, psychologiquement, j'ai du mal avec l'idée. A moins d'être seule dans un désert, ce qui n'arrive jamais, puisque je ne vais jamais me promener seule dans le désert. Et puis surtout, physiologiquement, j'en suis incapable.
Je ne suis donc pas vraiment une fille tout-terrain, malgré de nombreux essais tous plus calamiteux les uns que les autres.

En revanche, j'ai compensé ce handicap évident par un endurance à toute épreuve démentant le mythe de la "pisseuse". Mais il faut malgré tout qu'à un moment ou à un autre cesse le trek dans la nature.

Je suis nulle... en allemand de film de guerre. Pourtant, c'est la même langue, ou presque (pour les subtilités, voir ce fameux Klemperer que je suis en train de découvrir), mais je n'y comprends pas un mot.

Est-ce que les acteurs forcent le trait en articulant le moins possible et en hurlant le plus fort possible ? Est-ce que je n'ai appris l'allemand que sortant de bouches tendres et douces ? Est-ce que les mots choisis ne sont plus en usage, par volonté de dénazification linguistique ? Est-ce parce que, le plus souvent, les films de guerre sont joués par des acteurs français ou américains ?

Les seuls Allemands de guerre que je comprenne sont ceux de La grand Vadrouille, et je ne pense pas que ce soit bon signe !

Je suis nulle... en plongeon. Pourtant, j'ai fait de la natation. Tous les étés, quand j'allais chez mes grands-parents à La Rochelle, je prenais des cours de natation le matin, avec une maîtresse-nageuse qui s'appelait Nathalie, qui était toujours très bronzée et très jolie (même si elle avait une sorte de choucroute sur la tête façon caniche décoloré, mais à l'époque, c'était à la mode, la moquette à bouclettes). Mais je n'ai JAMAIS réussi à plonger, malgré tous ses conseils.

A chaque fois, l'alternative n'est pas brillante :

- soit je fais comme on me dit, et mes lunettes de piscine s'en vont, roulant le long de mes joues jusqu'à se coincer sous mon menton. Autant vous dire que je déteste, comme vous l'aurez sans doute deviné, avoir de l'eau dans les yeux. Du coup, avant même de pouvoir faire une longueur, il faut que je fasse le petit chiot avec mes pieds pour garder la tête hors de l'eau le temps de pouvoir faire réintégrer à mes lunettes leur place traditionnelle.

- soit je sauve mes lunettes en plongeant à l'horizontal et en me prenant un plat magistral. Ca fait mal, et après, j'ai la face du corps toute rouge. Le temps que je reprenne mes esprits, j'ai encore perdu du temps, et toute ma dignité.

Je n'ai jamais compris comment faisaient ces gens qui plongent élégamment, prêts à enchaîner immédiatement avec des longueurs, sans connaître l'humiliation du plongeon raté. En revanche, en bombes, je suis très forte.

Assez d'aveux humiliants pour ce soir. La suite de mes nullités au prochain épisode !

25 août 2007

"Ny olombelona toy ny mol-bilany, ka iray mihodidina ihany…"

Ce qui signifie : "Les hommes sont comme le bord de la marmite qui ne forme qu’un seul cercle" en malgache. Non, je ne parle pas du tout malgache, même si je rêve de découvrir Madagascar (et je ne parle pas du dessin animé). Ce n'est pas moi qui ai trouvé ce proverbe toute seule, c'est Nathalie, la présidente de l'association humanitaire Pokanel, qui monte des projets éducatifs et humanitaires à... ?? ben Madagascar justement. Bon, je vois qu'il y en a qui suivent.

Il y a quelques jours, Nathalie m'a contactée pour me proposer de devenir une "Very Importante Blogueuse". Tout flatté vivant aux dépens de celui qui lui passe la pommade, je me suis sentie d'un seul coup très importante et très flattée. Malgré les apparences, le but n'est pas juste de m'autocongratuler publiquement.

Car je n'aurais mérité ce titre (qui aurait été, au pluriel, celui de mon équipe) que si j'avais participé à la 4ème édition du rallye pédestre "Madagascar Ethnik" le 15 septembre prochain. Or je ne serai pas à Paris (oui, malgré son nom très exotique, le rallye a lieu dans Paris intramuros), donc je ne serai jamais une VIB (à part dans vos coeurs, bien évidemment).

En revanche, si vous, vous avez envie de participer, vous serez très chaleureusement accueillis. D'énigmes en énigmes, vous vous baladerez toute la journée dans Paris avec votre équipe, pour découvrir la capitale et Madagscar. Les 15€ de participation serviront à financer de nouveaux projets humanitaires. Donc si vous voulez vous amuser tout en vous sentant utiles, vous trouverez toutes les informations ici, ils en parlent bien mieux que moi !

24 août 2007

Vivement

Ca y est, c'est officiel, j'ai hâte d'être le 3 septembre. Je commence légèrement à tourner en rond. Ce n'est pas que je connaisse tout sur le bout des doigts, mais comme ce n'est pas ce que j'apprendrai maintenant qui y changera quelque chose...

Donc je tourne en rond, en lisant 2-3 cours par jour, en essayant de dormir avant 2 heures du matin, en chantant Joe Dassin vautrée dans mon lit, en brodant et me disant que je ferai mieux d'aller me promener. Non, je ne me sens pas prête, mais je crois qu'on ne l'est jamais.

Maintenant, j'ai hâte d'y être. Sauf que - comble du désespoir - le centre d'examen a changé. Alors que moi, j'y étais allée l'année dernière quasi-exclusivement pour repérer le chemin, la meilleure table, les conditions climatiques et tout le reste ! Tout ça pour rien... Je crois que c'est un complot.

Néanmoins, l'exercice de l'année dernière m'a permis de confirmer que les Petits écoliers n'étaient pas un goûter approprié pour les examens (une vague histoire de tâche de chocolat, heureusement faite sur mon brouillon et non sur ma copie).

Bon allez, je retourne m'occuper les mains en écoutant Joe...

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22 août 2007

Prendre le voile et puis mourir

Un jour, au resto mexicain qui nous servait de cantine, au détour d'une conversation, il (clique si tu veux savoir qui) m'a dit "C'est exactement comme dans La Religieuse de Diderot...". Forcément, je ne l'avais pas lu et mon regard est resté interrogateur. Il a compris et m'a ouvert une porte de sortie en ajoutant, avec ce même ton réellement humble qu'il avait toujours : "Je ne sais pas si tu l'as lu...".

Je brûlais d'envie de pouvoir, une fois dans ma vie, jouer à armes intellectuelles égales avec lui. Mais pas en mentant, surtout pas en mentant. Ce n'était pas encore pour cette fois-ci, et j'ai dû admettre un nouveau pan de mon inculture. Je n'avais même jamais lu Diderot (oui, on peut passer un bac L et ne jamais effleurer Jacques le Fataliste)...

Forcément, il ne m'en a pas voulu. Il a même tenté de me faire croire que j'avais eu raison de me tenir éloignée de ce livre. Parce qu'il était comme ça : non seulement il n'écrasait pas les autres de sa culture, mais semblait plutôt chaque fois s'excuser d'en savoir plus que tout le monde. Alors pour faire oublier qu'il venait d'apporter une nouvelle preuve de ce qu'il ne pouvait cacher, il m'a dit "que je n'avais rien raté, que c'était plutôt chiant en réalité".

Je l'ai presque cru. Pourtant, ce titre est resté gravé dans ma mémoire, comme le summum du chic de la culture littéraire. Classique sans être un classique, une oeuvre qui venait couronner, telle la cerise sur le sundae, de solides lectures préalables. C'était peut-être chiant, mais je n'étais qu'à moitié persuadée qu'il m'avait dit la vérité. Et puis j'avais oublié, finalement peu alléchée par la description qu'il m'en avait faite.

En attendant ma commande ZamaZon pleine de bouquins réjouissants sur l'Allemagne des années 30, je suis allée flâner dans la bibliothèque de ma soeur, et j'y ai découvert La Religieuse, dont la patience - depuis cet épisode vieux de plus de 4 ans - devant ma venue tardive devait commencer à atteindre ses limites. Soudain, tout m'est revenu, et j'ai pensé que c'était le moment ou jamais.

Après avoir trouvé la quatrième de couverture finalement assez tentante, j'ai donc attaqué ce demi-pavé (très raisonnable en réalité), certaine d'y trouver des passages d'une lenteur mortelle entrecoupés de quelques scènes dignes d'intérêt. Comme je ne suis pas maso, j'avais prévu de le reposer au premier signe d'ennui évident, à la première langueur, au premier bâillement.

"Incroyable mais vrai", il n'en a rien été, bien au contraire. J'ai trouvé ça passionnant. Pour résumer vite fait : Diderot dénonce, en endossant le rôle d'une religieuse écrivant ses mémoires (pour une raison que je ne révèle pas, histoire de suspens), la situation des jeunes filles sans vocation condamnées à entrer dans un couvent qu'elles ne pourront plus jamais quitter, faute de pouvoir revenir sur leurs voeux. Le résumé de la quatrième de couverture est bien mieux écrit, mais j'ai la flemme de lever mes fesses pleines de frites pour aller la chercher.

Outre le plaisir intellectuel que cette lecture m'a donné, j'avoue que je suis fière comme un pou de pouvoir mettre La Religieuse dans ma liste de choses lues. Pas du tout pour ce que ce livre représente pour M. Tout-le-monde, mais pour ce qu'il représente pour moi : ce que je pensais inaccessible, ce dont je me faisais une montagne, ce qui semblait ne pas être pour moi.

Ca fait partie d'un grand mouvement de fond, qui fait qu'aujourd'hui, j'ai presque le sentiment de pouvoir parler d'égal à égal avec un tas de gens qui m'impressionnaient tant il y a peu. Et qui vient surtout avec la certitude que même si on n'a pas lu La Religieuse, on peut être intéressant. Le genre de convictions rassurantes qui ne viennent qu'avec le temps, sans doute.

[Et comme je suis une "little insatiable thing", j'ai désormais très envie de voir le film réalisé par Rivette, avec Anna Karina dans le rôle de la religieuse...]


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20 août 2007

Alleluja ! (message personnel)

Pour célébrer ton retour à la maison dans la joie et l'allégresse qu'il mérite, un tout petit souvenir qui, je l'espère te fera sourire (les autres, pitié, n'écoutez pas... C'est une private joke de soirées étudiantes !)

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The Real Life

Plus je travaille de la tête, plus j'ai envie de faire des choses de mes mains (roh arrêtez avec vos interprétations salaces). Je présume que l'inverse serait également vrai, mais n'est pas d'actualité.

Entre deux fournées d'arrêts du Tribunal administratif de Sainte Firmine les Brouettes, je me défoule comme je peux. Aujourd'hui, cannelés au programme. En fait, il y en a déjà eu hier, mais la première série a été dévorée avant même que je pense à prendre une photo.


Pour l'instant, ils sont plus beaux que bons, il leur manque un je ne sais quoi de texture. A travailler... Mais réussir ENFIN à faire quelque chose de productif, dont les résultats sont concrets et visibles (pour une fois), est suffisamment satisfaisant pour la journée.

Tout ça me rappelle la dialectique du maître et de l'esclave, ce qui n'est pas du tout bon signe. Je me fais moi-même peur parfois, par sursauts de lucidité. Je ne dirais pas que toute la vie peut être décryptée à travers le prisme d'une préparation à l'ENA (voilà la preuve que j'ai encore deux neurones sains). Mais quand on a la tête dans la guidon, la tentation est grande de ne tout interpréter que sous cet angle. (Vous voyez, là, ne serait-ce qu'en écrivant le mot "tentation", je visualise involontairement la partie de mon cours de culture générale sur la tentation de Saint Antoine, la Thébaïde, l'acédie, le récit de Flaubert et le tableau de Bosch. Je me persécute moi-même, ce qui est le début des ennuis).

A une amie qui m'expliquait que le père de son copain était un vrai gougnafier, je me suis entendue lui répondre que c'était parfaitement normal : le coût d'entrée dans la gougnafitude est élevé, mais le coût marginal de chaque gougnaferie est décroissant. Il est donc normal que le gougnafier le soit généralement en excès. C'est rarement les paroles de réconfort attendus par la personne qui vous parle. Je crois bien que c'est à cause de ce genre de propos que les autres étudiants de Sciences Po nous regardent toujours de façon un peu bizarre.

Avec 2 cm de recul, je crois que la principale qualité pour préparer un concours, quel qu'il soit, est la capacité à la schizophrénie tout en restant sain d'esprit. Savoir différencier le "moi qui prépare le concours" (qui ne vivra que 1, 2 voire 3 ans, et qui ne doit absolument pas sortir du placard, car il est insortable) et l' "autre moi" (en général, celui qui vit avant et après la préparation, mais doit surtout rester bien présent pendant la préparation, au risque de n'être définitivement remplacé par le "moi préparationnaire"). Et à votre avis, là, c'est lequel de mes deux moi qui vous parle ?!

18 août 2007

Le monstre, c'est moi !

Hier soir, j'ai été au restaurant. Et comme 9 fois sur 10 quand je vais dans un bistrot parisien, j'ai pris un steak tartare, en digne cro-magnonne qui a perdu la guerre du feu. Or comme chacun le sait, le tartare, ce n'est bon qu'avec des frites (ou à la rigueur des petites pommes grenailles toutes fondantes sautées avec leur peau).

Mais, lorsque le serveur est venu prendre notre commande, il a cru bon de s'informer de mes désirs culinaires : "Avec une salade, le tartare ?". Surprise et angoissée, je lui demandai la voix chevrotante : "Vous n'avez pas de frites ?"

A mon grand soulagement, il me confirma que, dans la plus pure tradition, la maison proposait bien des frites faites maison avec son tartare. La mine réjouie, je confirmai mon choix pour ces petites choses délicieuses. Il m'interroge à nouveau : "Alors, mi-frites, mi-salade ?".

Je sentai que mon destin allait être contrarié. Poliment mais fermement, je lui répondis que "non, que des frites !". "Que des frites ?" reprit-il en écho, me regardant comme si je venais de me transformer en Schtroumpfette sur sa banquette. "Oui, QUE DES FRITES !". Incrédule, il nota mon choix si étrange.

Je ne dois pas avoir la tête de quelqu'un qui mange des frites. Ou alors c'est la première fois qu'il voit une fille manger des frites. Et QUE des frites. Ne pas faire une crise pour avoir une salade verte "avec la vinaigrette à part". Je n'en sais rien, mais j'ai eu le sentiment d'être très modestement, à l'echelle de ce monsieur, la pomme de Newton.

Euh dites, vous mangez bien des frites aussi vous ??!

16 août 2007

Et ils gouvernent le monde...

Le jour est grave : le King est mort depuis 30 ans aujourd'hui même. J'en vois qui ricanent au fond, et je ne dirais pas mieux que Baba : "Je vous demande de vous arrêter". Je sais que ça fait moyennement "up market" comme aveu, mais voilà, parmi tous mes goûts musicaux limite, Elvis Presley est un incontournable. En même temps, je ne peux pas dire que je sois vraiment triste qu'il soit mort, étant donné que je n'aime que les chansons de ses débuts.

Les Américains aiment aussi beaucoup Elvis. J'ai entendu que grâce à lui et à son service militaire en Allemagne, les Etats-Unis avaient évité une vague massive - que dis-je ! un tsunami - de désertions à la fin des années 50. Ca, c'est juste histoire de situer de façon elliptique le mythe Elvis dans l'histoire américaine contemporaine.

Hier, j'ai aussi lu que 17% des Américains croyaient que le King n'était pas mort. Dans un autre article, le chiffre est de 7%. On va donc dire 10% pour faire une moyenne pondérée.

Les Américains sont de grands fans des histoires de complot. Dans L'Obsession du complot, Frédéric Charpier montre que les théories du complot "sont le triste révélateur du délitement des sociétés qui ne savent plus faire la part entre la fiction et la réalité : elles ont renoncé à l'esprit critique pour le fantasme et l'irrationnalité". En cours de "Religion(s) in America", mon prof nous avait expliqué l'origine quasi-théologique de cette fascination américaine pour le complot, mais humhum, je ne m'en rappelle plus.

Donc 10% selon mes estimations personnelles (absolument pas scientifiques) des Américains (ça fait quand même 30 millions de personnes) croient qu'Elvis est toujours vivant et se promène aux quatre coins du monde, incognito, sans rien dire à personne. "Pour vivre heureux, vivons cachés" serait devenu sa nouvelle maxime.

Sauf que parfois, Elvis, il craque et va se manger un hamburger dans un fast-food. C'est généralement dans ces lieux qu'il est aperçu régulièrement. Toujours en train de manger un hamburger, jamais des ailes de poulet ou des ribs. Cet article canadien rapporte les faits et les preuves plus ou moins farfelues avancées par les illuminés de la thèse du complot. Ca vaut la lecture (j'aime beaucoup la thèse de la réincarnation en oiseau ou celle de la poupée de cire).

Mais ne nous abandonnons pas là-dessus : grâce à Kenders, j'ai des lecteurs audio sur mon blog !! Plus un seul billet muet, désormais. La souffrance commence aujourd'hui...

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15 août 2007

"La boue n'est faite que de nos fleurs"

J'ai absolument adoré étudier Les fleurs bleues de Queneau en terminale. J'ai autant apprécié cette oeuvre que j'avais détesté l'année précédente Les Châtiments de Hugo. Contre toute attente je dirais. Car mon tempérament rebelle ne se cache pas dans un piercing au labret ou dans une coupe iroquoise, mais dans le mouvement naturel de rejet que j'ai pour ce qui m'est imposé. Mais devant tant de finesse et d'humour, je n'ai pas pu résister, et j'ai mis ma rébellion au fond de ma poche pour Raymond.

Mais en réalité, contrairement aux apparences, il n'est absolument pas question ce soir de vous barber avec mes programmes scolaires depuis la maternelle. Non, c'est juste que ma récente découverte m'a tout de suite fait penser à cette citation de Queneau, parodiant Baudelaire.

Ma découverte est fringuesque et s'appelle Locher's. Je ne me rappelle absolument pas comment je suis tombée sur ce site, mais j'ai tout de suite vouée une adoration à ces adorables t-shirts rebrodés de fleurs romantiques et tendres. Sauf qu'au milieu de ces charmantes et délicates guirlandes florales se cachent des messages salaces. J'adore ce décalage... subtil !

L'un dit "Insatiable little thing", l'autre "I can only please one man a day. Today is not your day. And tomorrow doesn't look good either", et je trouve le "I like it rough" particulièrement bien mis en valeur par ce rose doux à souhait. Oui, tout cela me semble entièrement dans la veine de Queneau (à qui je ne voudrais toutefois pas prêté des intentions scabreuses, quoi que...).

Bien évidemment, ces petites choses décalées sont hors de prix pour de simples t-shirts. Mais je ne me lasse pas de les regarder et d'applaudir l'idée !

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14 août 2007

Gemischt

Aujourd'hui, il y a des très bonnes nouvelles, de moins bonnes et des mauvaises. Parce que comme le dit si bien Maupassant dans la bouche de la rude Rosalie, "la vie, voyez-vous, ça n'est jamais si bon ni si mauvais qu'on croit".

Je vous laisse donc juste avec cette chanson découverte sur la BO du film Vies brûlées et qui me tord le tendre à chaque fois que je l'entends, comme une midinette que je suis. Le son est nul, mais la seule vidéo où il était un peu meilleur était un film presque cochon issu du film, et je n'ai voulu choquer ni les plus jeunes, ni les plus sensibles. J'aurais au moins pu éloigner les homophobes. Pour les majeurs prévenus, elle est (et vous verrez qu'il n'y a quand même pas de quoi fouetter un orignal), mais les gens parlent par dessus la chanson (les vilains). Mais on leur pardonne parce qu'ils sont beaux (une fois lavés). Allez, on laisse Rita chanter le désespoir de son cuore :



EDIT / je savais bien que quelque chose me perturbait dans cette vidéo. En réécoutant mon CD, j'ai compris : il s'agit d'une version en italien, tandis que je connaissais la version espanole ("Corazón") chantée par la même Rita. Et je trouve que la langue italienne, suave et coulante, est bien moins poignante sur cette chanson que l'espagnol, aride et âpre. Mais je n'ai trouvé la version espagnole nulle part (et je ne sais TOUJOURS pas mettre d'extrait musical sur mon blog...)

Livresque story

Ca fait quelques temps déjà que je voulais vous en parler, et ça y est, voilà venu le grand jour. Deux éminentes membresses (vous comprenez maintenant pourquoi je suis contre la féminisation des noms ?) de ma blog-list se sont distinguées dans la masse de la bogosphère. J'imagine à quel point cela a dû être difficile de garder un secret pareil pendant si longtemps... Mais c'est désormais officiel : elles ne sont plus seulement bloggueuses, mais aussi écrivaines. Et c'est justement parce que j'aime leur blog que j'en cause, même sans avoir lu les deux ouvrages...

D'abord, il y a Zette et son bouquin, qu'on peut même acheter en ligne au format PDF (je n'en reviens pas de cette révolution technologique. Comme dirait le Quai d'Orsay : "Quel avenir pour le livre face à la littérature électronique ?" *). Ce sont des morceaux (et quels morceaux) de son blog. Donc si vous aimez le style Zette, il y a peu de chance que vous n'appréciez pas celui de Mélina, qui décrit le quotidien mais pas que. Avec des mots parfois simples et parfois compliqués. En général, simples quand c'est compliqué, et compliqués quand c'est simple. Un regard affûté mais jamais féroce. Elle court peut-être, la trentaine, mais en prenant le temps de regarder derrière et devant elle.

Et puis il a Anne-So(lange), la propriétaire de Cachemire&Soie à l'origine de la formidable maxime "Une fille, c'est pas compliqué... c'est subtil" qui devrait être gravée au frontispice des écoles républicaines (mixtes). Son livre de chick-lit assumée, La double vie de Pénélope B., est un peu une mise en abyme vertigineuse : écrit grâce à son blog, il parle de blog et a lui même un blog. De là à ce que le blog du livre lui permette d'écrire un autre livre... Pour savoir ce que ça vaut, je vous conseille vivement d'aller lire le commentaire de Deedee. Qui, elle, l'a lu (en avant-première, puisqu'il sort jeudi), et en a pensé le plus grand bien.

Je ne vais pas me lancer tout de suite dans ces deux livres, car je suis étrangement dans une phase littéraire "le nazisme, c'est mal". Après avoir lu Lutétia d'Assouline (pas mal du tout, mais pas bouleversant non plus. Un bon livre de plage), je m'apprête à me plonger dans Lingua tertii imperii de Klemperer (découvert grâce aux suggestions Amazon et à Finis Africae), qui s'annonce fascinant, puis Seul dans Berlin de Fallada. Quand j'aurai avalé tout ça, Berlin, Alexanderplatz de Döblin m'attend et Germania - Mort à Berlin de Müller. Cela me semble bien monothématique. C'est vrai qu'un peu de chick-lit au milieu de tout ça ne me ferait peut-être pas de mal...


* : sujet d'anglais du dernier concours en date. C'est pas beau, franchement, une administration qui vit avec son temps ?

13 août 2007

Si con... mais si bon !

Merci Kenders de m'avoir fait sortir du Conseil d'Etat pendant quelques minutes... Ca casse pas deux oreilles à un Télétubby, mais ça fait du bien :D

11 août 2007

Au secours, je vire euh...

... asociale ? sarkozyste ? vieille peau ? intolérante ? Je n'en sais rien, mais je constate qu'il me vient des envies de meurtre qui me font soudain ressentir une grande empathie pour celui qui a tué son voisin d'un coup de carabine, excédé des virées en kart dudit voisin sous leurs fenêtres communes.

La situation est simple : en face de chez mes parents, il y a une forêt. Enfin, il y avait une forêt, parce que la mairie a décidé qu'il était bien triste qu'un quartier résidentiel peuplé de familles ne dispose pas d'un lieu où les jeunes pourraient se retrouver en pleine nature pour découvrir leur moi profond. Ils ont donc abattu quelques arbres, mis une clôture et décrété qu'il s'agirait désormais d'un parc entretenu et ouvert au public.

Lequel public ne manque pas d'en profiter, vacances obligent. Or il se trouve que les jeunes, de nos jours, ça a des mobylettes, mon bon monsieur. Et que comme ils sont habitués au TGV et à l'ADSL, rien ne va jamais suffisamment vite pour eux (ah ça, c'est pas comme dans l'temps). Ils se sentent pour ainsi dire contraint par la société (de consommation) à trafiquer leurs engins pour gagner au moins 2 km/h et faire perdre à leurs concitoyens une bonne poignée de décibels à chaque passage.

Tous les soirs, ces jeunes en profond désarroi se retrouvent donc pour boire une Bierchen ensemble, gueuler comme des putois ("hé ziva Kev, tu fais ça t'es mort, ch'te jure t'es mort. Ô p'tain l'bâtard il l'a fait !") et surtout, surtout, faire tourner leurs mobylettes.

Le comble de la jouissance étant presque atteint dans les phases d'accélération, ils semblent particulièrement heureux de faire des allers-retours sous MES fenêtres (farpaitement, elles sont à moi, de même que mes oreilles) en alternant très rapidement phases d'accélération bruyantes et phase de décélération. Cela fait donc approximativement : "Vrouuuuuum Vroumvoum Vrouuuuuuuuuuuum Vroumvroumvrouoooooooooooom".

Ou alors ils réparent ensemble les petits désordres mécaniques des bêtes, tournage de moteur à l'appui, évidemment. La rencontre de motocyclettes est visiblement le passe-temps favori des jeunes désoeuvrés. Franchement, si c'est juste pour faire tourner leur moteur...

Toujours est-il que je me surprends, après quelques pétarades (donc, je tiens à le souligner, dans un état émotionnel particulièrement précaire et émotivement anormalement émotif, quand même :D), à me demander "mais que fait la police ?". Voire à m'imaginer tous les exterminer à coups de gros sel dans les fesses. Mais tiens, ça y est, c'est trop tard pour ce soir, ils viennent de lever le camp... Mais je sais que je les retrouverai demain soir sans faute !

10 août 2007

Dit is een beha voor de Nederlanders

Durant mes vacances maritimes, je suis allée me ruiner en lingerie même pas soldée. Dans tous les modèles que la vendeuse m'a présentés, un m'a fait quelque peu bondir en raison de son côté flashy particulièrement bien (et trop) assumé.

En voyant ma réaction, elle sourit et me glisse : "Oui, celui-ci, nous le faisons principalement pour les Néerlandais" d'un air entendu.

Ne faisant pas le lien immédiatement, j'ai dû garder suffisamment longtemps mon air de mérou interrogateur pour qu'elle ajoute : "Vous savez, pour les soirs de foot ! Les Hollandais aiment bien que tout soit orange !". Et voilà ce que donne le patriotisme sportif appliqué à la lingerie (si ça ne vous agresse pas trop la pupille, vous pouvez même vous rincer l'oeil) :




EDIT / évidemment, les miens de nouveaux soutifs sont bien plus beaux. Mais nettement moins patriotiques.

EDIT 2 / c'est quand même génial le néerlandais... Pour soutien-gorge, ils disent "beha". Qui vient très vraisemblablement de l'allemand "BH" (qui se prononce exactement "beha" en aspirant le H) pour "Bustenhalter" (soutien-gorge, mot à mot...). Ils font d'un acronyme un mot à part entière en l'empruntant aux autres. Qui ne peut croire en et à l'Europe après une telle démonstration ?!

Projets

J'ai décidé que lorsque j'aurai soit réussi un de ces p**** de concours soit fait définitivement le deuil d'une carrière dans l'administration, je créerai un blog pour aider et conseiller ceux qui auront alors pris ma place. Je l'écris ici pour être sure : 1. de ne pas oublier et 2. de ne pas me défausser le moment venu. Parce que j'en ai un paquet de choses à dire, mine de rien !

EDIT / je viens de me rendre compte que mon blog aurait quand même VACHEMENT plus de crédibilité si je réussissais un concours. Au pire, je pourrais toujours axer ma ligne éditoriale sur "l'avoir c'est bien, le rater c'est pas grave" dans le cas contraire. Ou alors mettre en avant mon oeil à la fois d'extérieur et d'intérieur (façon salon de jardin en rotin), "au-dessus de la mêlée" quoi...

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09 août 2007

Les homos de ma vie

J'aurais pu vous faire la litanie des hommes de ma vie, mais ils sont bien moins intéressants que les homos de ma vie. Je crois que j'en ai toujours été entourée, le sachant plus ou moins. Je ne sais pas qui a inventé le concept de "fille à pédé", plus joliment appelé "Babycake" chez Armistead Maupin. Mais pas de doute, je crois que j'en suis.

Le tout premier chronologiquement, c'est le meilleur ami de ma tante. Qu'on appelle tonton alors qu'on sait très bien qu'ils ne sont qu'amis. Dont je ne m'étais jamais demandée pourquoi il venait toujours passer Noël avec nous, parfois avec l'un de ses amis. Le Noël de mes 12 ans, alors que je commençais à comprendre que les garçons du même âge que moi devenaient chaque jour plus inintéressants et que je craignais que cela ne leur dure la vie, il était venu avec "son ami". L'un de ses étudiants, qui avait une vingtaine d'années donc. Et qui avait beaucoup parlé avec moi. De Roméo et Juliette, l'oeuvre shakespearienne, et du film qui venait juste de sortir. De Leonardo Di Caprio. Bref, d'un tas de choses fascinantes. Surtout sortant de la bouche d'un garçon. Je découvrai que loin de la cour du collège et avec quelques années de plus, les garçons pouvaient être sensibles et intelligents, et raconter des choses qui intéressent les filles. On ne m'avait jamais caché que ce faux oncle était en fait une tante (désolée, cette expression est affreuse, mais la tentation du jeu de mot lourdaud était trop forte, je m'excuse platement) mais on ne l'avait jamais non plus verbalisé ouvertement, tant cela paraissait évident. Je savais sans savoir.

Le deuxième commençait à avoir un fin duvet sur la lèvre supérieure et à tâtonner dans les méandres de la vie lorsque je l'ai connu. Nous nous sommes retrouvés tous les étés durant 5 ans, entre 11 et 15 ans. A 11 ans, nous avons passé l'été à nous amuser comme larrons en foire. A 12 ans, il m'a demandé si je voulais sortir avec lui, puis m'a assuré, comme j'hésitais retenue par je-ne-sais-quoi, que finalement, c'était sans doute mieux que je dise non. Il a dit "au moins, j'aurai essayé" en ayant l'air de parler pour lui et non pour moi. A 13 ans, je ne sais plus. A 14 ans, son plus grand drame était de n'être jamais sorti avec une fille. J'étais devenue officiellement sa "Madame de Conseil", surnom dont je restai ensuite affublée ironiquement devant le succès de mes recommandations. Il fallait que je l'aide. J'ai passé une semaine à compiler tous les magazines féminins de la maison pour lui faire un best-of de conseils de drague, tapé sur ordi, en vraie professionnelle. A 15 ans, il me remerciait sincèrement de l'avoir aidé à y voir clair. Il utiliserait mes conseils à bon escient, mais sur les garçons désormais. J'ai été la première à le savoir, et je le dis pour la première fois.

Le troisième était un camarade de collège. Le seul de la classe de 4ème qui soit vraiment beau. Le seul aussi à aimer Mylène Farmer, dont j'ignorais encore la symbolique. Le seul qui n'avait pas encore mué. Le seul qui ait des choses intéressantes à raconter. Le seul qui aimait lire. Le seul qui écoutait autant qu'il aimait être écouté. Le seul qui faisait semblant de s'intéresser aux filles sans jamais les draguer, pendant que ses congénères ne faisaient que draguer les filles sans jamais s'intéresser à elles. Il rêvait d'être comédien. J'ai découvert récemment, en prenant le métro un soir, qu'il avait réussi. Tête d'affiche. Il est encore plus beau.

Le quatrième, ah le quatrième... Beau comme un Dieu latin, avec un prénom qui disait tout. Je venais de quitter le domicile parental, ma vie s'ouvrait devant moi. J'avais déjà entendu parler de lui avant même de le rencontrer. On m'avait vanté sa beauté, oubliant de me dire qu'il était aussi adorable. Trop adorable. Dans les 2 premières semaines, il m'a successivement invitée au cinéma, invitée à dîner chez lui au milieu de sa forêt de basilic, et a passé une journée entière à aider mes parents et moi à vider la camionette contenant alors "toute" ma vie : un canapé, un fauteuil, des livres, un lit et un tas monstrueux de babioles dans des cartons. Qui aurait fait ça pour mes beaux yeux ? Il ne l'a même pas fait pour ça. Il ne l'a fait que par pure gentillesse totalement désintéressée. Et j'ai cru avoir trouvé mon preux chevalier (j'évite le "Prince charmant", pour ne pas énerver Denys). Quelques jours plus tard, il révélait dans des circonstances tout à fait peu agréables, ni pour lui ni pour moi, qu'il n'aimait que les garçons. Je me suis consolée en faisant de lui un ami, à qui je dois bien des choses.

Le cinquième, ah le cinquième... J'ai appris par des bruits de couloir qu'il était Polonais. Je l'ai abordé dans un amphi en lui vantant les mérites de la Pologne, en m'alourdissant sur l'amour que je portais à son pays. Une admiration sincère pour un pays dans lequel j'avais passé 2 semaines quelques années auparavant, et dont l'histoire me passionnait. Juliette, celle qui allait aussi devenir mon amie et ma complice, assise juste à côté, et qui le connaissait mieux que moi, m'a glissé la phrase qui devait être mon assurance-vie : "En fait, il DETESTE la Pologne". J'étais mal partie. De toute façon, tout était mal parti. Alors pour me rattraper, je lui ai présenté mon n°4 et j'ai joué à la mère juive par MSN interposé, avec Juliette. En fait, ça, c'est l'histoire officielle. L'histoire officieuse est qu'ils se seraient sans aucun doute tout aussi bien débrouillés sans nous, puisqu'ils continuent à s'en sortir sans nous.

Bien sûr, il y en a eu d'autres. On ne fréquente pas impunément les filiaires littéraires. 1 mec hétéro sur 37 élèves dans ma classe de terminale. Mais eux, ce sont ceux qui ont compté pour moi et qui y sont toujours des êtres à part. Pas parce qu'ils sont homos, mais parce qu'ils sont eux.

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Mais comment font-ils ?

Je n'ai jamais lu aucun livre censé expliquer pourquoi les femmes aiment le chocolat et les hommes le saucisson (alors que l'on peut aimer les deux sans être hermaphrodite) ou pourquoi les femmes commencent à lire leur magazine féminin par la fin tandis que les hommes engueulent leur GPS. Je ne pense pas avoir à le regretter.

Néanmoins, il s'y trouve peut-être la réponse à une énigme fondamentale concernant les hommes : mais comment font-ils ? Oui, comment font-ils pour ne jamais se mettre de stick pour les lèvres sans pour autant que celles-ci ne tombent au bout de quelques heures ? Si je devais écrire un livre sur les hommes, je crois bien qu'il traiterait de ce sujet. En 782 pages, il s'entend bien.

Je vous explique le problème (au sens mathématique, évidemment) :

- il me semble qu'il n'existe aucune différence physiologique entre des lèvres masculines et féminines

- je n'ai jamais vu d'homme se mettre du stick sur les lèvres (en dehors de quelques originaux adeptes du stick vert martien lorsqu'ils skient, mais nous les excluons d'office de notre enquête, en raison de leur profil non-représentatif)

- si je ne me badigeonne pas les lèvres toutes les deux heures - au bas mot - d'une substance nourrissante et protectrice (allant du gloss au stick ultra-réparateur, en passant par la vaseline en cas de panne sèche - non ceci n'est pas un billet érotique), elles tombent en lambeaux au bout de quelques heures. Elles tirent, elles font mal, elles craquèlent, elles saignent, c'est Apocalypse now sur ma face.

Je ne suis visiblement pas un extra-terrestre, si j'en crois les blogs de fille. Hélène est à peu près aussi monomaniaque que moi (mais elle essaie BEAUCOUP plus de choses que moi, évidemment !) et Deedee (et ses lectrices) n'est pas en reste. Je ne vous parle pas des autres.

D'ailleurs, après avoir participé à cette grande discussion sur les Labello Freaks chez Deedee, durant laquelle j'ai impudiquement avoué mon adoration sans borne pour les produits Blistex, un très gentil monsieur débarqué de je-ne-sais-où m'a envoyé un mail pour m'informer qu'on en trouvait quasi-partout en France, "dans la plupart des pharmacies et parapharmacies", en suggérant aussi de "ne pas hésiter à à faire connaître le site" de la marque.

Avant d'en parler ici, je suis allée vérifier, et aucune des 376 213 pharmacies de ma rue ne proposait le Lip conditionner que j'affectionne tant. Du coup, je n'ai jamais parlé ni du mail ni du site, ce qui m'a privée d'un envoi massif de Blistex et de mon élévation au rang "d'influenceuse de filles". De ce fait, je continue à faire mes provisions de Blistex au Canada et en Allemagne. Je sais, ce n'est pas SUPER intéressant, mais je n'ai rien posté depuis des jours longs comme le Gange, alors je me défoule sur vous. C'est mal et je ne recommencerai plus.

Tout ça pour dire : mais comment font les garçons pour avoir des lèvres en bon état sans rien faire ? Plusieurs hypothèses :

1. Ils se tartinent de baume pour les lèvres en cachette (et ont des sociétés secrètes qui les approvisionnent à l'écart des circuits de distribution traditionnels en stick ultra-invisible dont les femmes ignorent totalement l'existence)

2. Ils ont des lèvres bioniques. Je veux les mêmes.

3. C'est pour ça qu'ils ont des copines : pour se graisser les lèvres en les embrassant, ni vu ni connu.

D'autres suggestions ? Des explications ?

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