10 octobre 2007

Du passé faisons table rase !

C'est ce billet de Silence des lois sur la simplification du droit qui m'y a fait penser. Ne vous inquiétez pas, je ne vais pas vous réciter mon cours sur "les enjeux juridiques de la qualité normative" (fascinant, mais bon, là, je n'ai pas envie). Mais pour vous expliquer en gros, l'idée c'est de dire que les lois sont trop nombreuses, trop compliquées et s'attachent à régler de minuscules détails sans importance. Que tout ce bazar empêche tout le monde d'avoir les idées claires et que faire du ménage, de temps en temps, c'est bien (voilà, maintenant, vous n'avez plus besoin d'acheter le Que sais-je sur le droit administratif). Donc de temps en temps, les députés ont la bougeotte et se mettent à faire le tri. C'est ce qui se passe en ce moment.

De ce fait (t'as vu Ardalia comme je retiens bien ?!), j'ai émergé d'un sommeil profond et lourd un matin en entendant un avocat à la radio. Etant donné l'état de ma matière grise à cette heure de la journée, je ne me rappelle que très vaguement de son propos, je vous prie donc par avance de m'excuser en cas d'imprécisions voire de grossières erreurs.

Alors : l'avocat expliquait qu'avec toutes ces lois, son travail était devenu très compliqué. Pour illustrer son propos, il parle d'un cas qu'il a récemment pris en charge, et qui lui a - pour une broutille de collision sur le Rhin - pris des heures. Et pourquoi ? Parce qu'il devait regarder des TAS de textes (ben oui, mais c'est son métier, non ?). Et surtout, surtout (sa voix marquait le tournant dramatique), "certains dataient de 1814" ! Et oui, quelle honte n'est-ce pas ?

J'ai rassemblé mes connaissances en droit fluvial pour faire sortir au carbone 14 le souvenir du Congrès de Vienne, qui proclamait pour la première fois la liberté de navigation sur les cours d'eau internationaux, et la création dans la foulée des premières organisations multilatérales, les "Commissions fluviales" (Commission centrale pour la navigation du Rhin, créée en 1816, pour le cas qui nous concerne).

Il est donc tout à fait logique que, si ces dispositions de l'Acte final du Congrès de Vienne sont toujours justifiées (en particulier pour la détermination du tracé exact de la frontière sur le fleuve), on n'y ait pas touché. Ce qui n'est d'ailleurs pas sans lien avec la question de la qualité normative : pourquoi vouloir à tout prix changer un bon texte ? Bon, je sais que la frontière avec l'Allemagne a un peu bougé entre 1814 et aujourd'hui. Mais si l'on admet le Rhin comme frontière, il y a en revanche peu de chance que la place exacte de la frontière sur le fleuve (une vague histoire de thlaweg, sans doute) ait évolué. Et d'ailleurs, si l'avocat avait besoin de ce texte pour résoudre son affaire, c'est bien que le traité avait un quelconque intérêt, et que nous étions donc loin du souci de suppression de la norme superflue.

Mais visiblement, pour cet avocat, 1814 (d'ailleurs, cela doit être 1815, en toute logique) est bien trop loin. Je suggère donc, afin d'aider les députés dans leur tâche herculéenne - pour ne pas dire danaïdienne, puisqu'ils pondent 10 lois quand ils en simplifient une - d'évacuer de notre ordre juridique tous les textes jugés "vieux". Par exemple, un vieux truc, un très vieux truc, qui ne sert plus à rien (puisqu'il est vieux) : la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen. Je pense que l'avocat trouve aussi que devoir se pencher sur des principes aussi anciens et datés, cela relève de l'inadmissible.

EDIT / Je faillis à tous mes devoirs. Le sujet d'aujourd'hui en Problèmes économiques internationaux (j'adore le titre des matières au MAE) était : "La concurrence fiscale menace-t-elle les modèles sociaux européens ?".

11 commentaires:

Anonyme a dit…

Ouias, il serait temps que les députés se mettent à la page et nous pondent des textes un peu "tendance", y'en a marre des classiques !
(merci)

Anonyme a dit…

Billet quasi digne d'un maître Eolas, bravo. Quelque chose me dit qu'il doit penser comme toi. Pense à Rousseau! "le bon sens..." ;-)

D'un autre coté (oui, bravo aussi pour l'enchainement délicat), si cet avocat est assez connu pour passer à la radio, c'est forcément qu'il est bon, et que sa compétence surpasse celle des tâcherons de l'ombre. Car il est évident que la célébrité est le révélateur in faillible de l'excellence...

Mademoiselle Coco a dit…

Secondflore > Silence des lois a fait un billet très intéressant sur les camions bazars. Si ça ce n'est pas trendy ;-)

Ardalia > ben dis donc, c'est un sacré compliment ! Et je partage bien évidemment ta position sur la célébrité et son infaillibité. C'est beau, la reconnaissance par les pairs...

Anonyme a dit…

C'est amusant que tu cites cette note du Silence des lois qui m'a justement un peu déçue, parce que je pense qu'elle est injuste sur cette initiative parlementaire. Sincèrement, dire que supprimer des textes inusités et obsolètes est en soi créateur d'insécurité juridique, c'est un rien tordu... Ce que ça cache d'après moi, c'est que l'auteur est surtout agacé que les parlementaires tirent gloire de ce petit toilettage anodin alors que le véritable chantier n'est pas celui-ci, mais davantage la qualité de la production de la norme.
Mais bien d'accord avec toi sur ton cuistre d'avocat : sous-entendre qu'une règle est illégitime parce qu'elle est vieille, c'est aussi crétin que de penser qu'on écrira moins bien sur un bureau Louis XV que sur une planche à tréteaux IKEA. Or, c'est vachement mieux d'avoir un bureau Louis XV, quoiqu'on fasse avec ;-) Si quelqu'un débarrasse son manoir familial de ses vieilleries XVIIIè, qu'il pense à moi, by the way.

Une remarque, par contre, sur laquelle j'aimerais avoir ton avis expert : j'ai vu le même blogueur se plaindre dans un autre billet d'une loi reprenant le contenu d'une jurisprudence (ça n'a rien d'une nouveauté, par ailleurs). Or je pense que si on intègre à des codes appropriés les constructions jurisprudentielles, elles deviennent beaucoup plus accessibles au commun des mortels, plus facilement retrouvables, et expurgées des conclusions annexes qui les dissimulent. Si la jurisprudence change, on amende le code, et voilà (magique!)! Bon, si la matière l'autorise, il faudrait préférer l'usage du règlement, plus plastique, of course...
Sur le fond, ne faut-il pas voir dans cette réserve l'orgueil blessé du JA qui se voit retirer la gloire de la paternité d'une partie du droit positif? "Un code, c'est tellement moins romantique qu'une jurisprudence", soupire la belle âme... Qu'en penses-tu?
Et sinon : putain tu maîtrises ton Droit International, ça me fout le vertige. Je n'ai même pas de cours de DI!

Anonyme a dit…

"C'est amusant que tu cites cette note du Silence des lois qui m'a justement un peu déçue"

Nom de Zeus, Denys est une FILLE!!! AAAH! Et moi qui fantasmais à mort sur les uniformes de navale!!
Traitrise!
Félonie!
La mère Denyse est de retour!


:-p

Anonyme a dit…

à Denys: il faut bien voir que les parlementaires ne passent pas plus de temps à discuter et voter les lois qu'il y a trente ans. Pourtant, ils votent beaucoup plus de textes.
Résultat: la qualité des textes en est la victime.

J'estime donc simplement que le parlement doit consacrer son temps par priorité aux choses utiles, et pas aux calambredaines en cause dans mes billets qu'a bien voulu citer notre hôte.

Anonyme a dit…

@ Ardalia :
Chapitre I : où l'on voit un internaute, qui d'ordinaire y fait tellement attention, pris en faute de suraccord du participe passé.
Chapitre II : où l'on découvre avec stupeur que ce même internaute était l'objet de fantasmes érotiques de la part d'une blogueuse charismatique ;-), alors qu'elle ne l'a jamais vu, et de surcroît mis en scène dans son unif bleu alors qu'il en a un autre noir et doré vachement mieux :-p, et qu'il ne rentre plus ni dans l'un ni dans l'autre.
Chapitre III: où le jeune internaute blessé dans sa virilité se questionne sur l'attitude à tenir en pareil cas, et, ayant déjà lu le blog de l'accusatrice, se rappelle qu'elle est comme Saint Thomas et qu'elle va exiger de lui une preuve photographique de son phénotype sexuel.
Chapitre IV : où l'internaute pudibond se souvient alors que la maîtresse des lieux, elle, l'a vu, et qu'elle peut donc confirmer a) qu'il n'y a pas de quoi fantasmer, et b) que même si la médecine moderne fait des miracles, l'internaute a un bouc, et n'est pas allemand, ce qui rend improbable son appartenance au beau sexe.
Chapitre V : où l'internaute lavé de tout soupçon célèbre sa réhabilitation en allant se cuisiner un brownie choco, fait chauffer la cire pour lancer une épilation du maillot, prépare un bon bain moussant avec des sels de bain arôme passion, feuillette Vogue en attendant avec Camille en musique de fond, et découvre attristé que selon le test de la semaine, il fait passer sa carrière avant sa vie sentimentale.

PS : gamine va! :p

Anonyme a dit…

@Silas : flûte alors, me voilà aussi pris en flag d'avoir dit du mal d'un blogueur qui fréquente les lieux où je l'ai critiqué... C'est mon jour.
Je suis parfaitement d'accord avec vous sur la qualité des textes législatifs, c'est un consensus aujourd'hui, et même après 1/4 d'heures de DA (voilà mon niveau), on est au courant.
Il n'empêche, je ne pense pas qu'il soit malvenu d'intégrer à la loi du 12 avril 2000, qui constitue si je ne m'abuse une part importante du CJA, une jurisprudence désormais fermement établie, sous prétexte qu'en matière de codification et de simplification du droit, la seule chose qu'ait à faire le Parlement soit de surveiller son langage, et laisser le reste aux professionnels par habilitation.
Ayant dit cela, je suis, et fort probablement resterai, un dilettante en la matière, l'expert c'est vous.

PS : Ardalia ET un membre du Conseil d'Etat dans la même journée, je ferais mieux de l'ouvrir moins, moi.

Mademoiselle Coco a dit…

Denys > sur le billet cité, il fait partie d'une longue série sur le même thème, qui permettent d'en éclairer l'intérêt (je trouve).

Sur la jurisprudence et le code : dans quelle mesure la jurisprudence peut-elle changer dès lors qu'elle est codifiée ? Les avancées jurisprudentielles se font généralement dans le flou juridique, non ? Sans flou, moins de liberté pour le juge !

Sur le droit international : en réalité, ce sont des restes d'un mémoire d'histoire diplomatique sur le Congrès de Vienne. Et les histoires de thalweg, tu vois, ça ne sert à rien face aux nouvelles menaces. Si tu veux un bon bouquin de DIP, le Perrin de Brichambaut est un peu daté mais un bon classique malgré tout. Disons qu'il a le "bon ton" pour les QI de l'ENA selon moi.

Ardalia > bon ben je te laisse parler directement avec Denys hein (tu sais s'il y a un sabre dans l'uniforme ?)

Silas > bienvenue et merci d'utiliser votre droit de réponse !

Denys > c'est bon, tu as apporté le preuve ultime que tu es bien un garçon : les sels de bain ne permettent pas de faire des bains moussants.

Anonyme a dit…

@denys, ouais, gamine sur ce coup, mais pour avoir cette réponse (pas le moins du monde imaginée), ça valait le coup!
Saint Thomas, moi? C'est la première fois qu'on me dit ça, saperlotte. Moi qui me trouve encore si naïve! :-)

Plus sérieusement, et même tout à fait sérieusement, j'admire, chez toi et Miss Coco (tu vois que je te parle à toi aussi), ce l'on pourrait appeler la maîtrise de la rhétorique : l'échelonnement précis des arguments, la pensée qui se définit au maximum, posément et avec acuité.
Je ne veux pas dire que c'est l'art suprême, qu'il n'y a rien de mieux, car la poésie est peut-être plus dans le réel que les lois (sur un plan différent), mais c'est malgré tout un art admirable.
Ce que j'apprécie peut-être le plus dans cette précision, c'est le soin qu'elle prend de l'interlocuteur, elle fait en sorte qu'il ne perde jamais pied, ou, du moins n'en ait pas le sentiment...
Et puisque Coco parle de sabre, j'ai envie de dire de cette maitrise du verbe que si elle peut tuer un homme, elle peut aussi sauver des vies.
Etonnant comme le formatage universitaire se sent, dans les plus petits délires!
Le mien aussi, surement, mais je suis mauvais juge.

Mon petit délire à moi.
;-)

@Miss Coco, je ne suis allée qu'une fois au défilé du 14 Juillet. Les seuls à faire vaguement envie c'est la garde républicaine, malgré le crottin frais. Le sabre, c'est beau, certes, la tradition, etc. , mais ce n'est jamais qu'un symbole de guerre, à mes yeux.

Pour relever l'ambiance : j'affirme être une vraie femme, mais je ne connais rien aux sels de bains, donc ta preuve, pfiout!
(ben ouais, moi, la rhétorique... ;-) )

Mademoiselle Coco a dit…

Ardalia > je n'ai pas du tout que tu me parlais à moi aussi, vu que je ne lis pas la correspondance de Denys. Mais AU CAS OU tu aurais parlé rhétorique et organisation de la pensée, sache que je me fais violence (c'est une excellente école, ce genre de violence). Car au naturel, j'ai tendance à avoir la pensée qui fuse dans tous les sens et à parler avant de réfléchir (quelle surprise, hein :D). Je n'aurais qu'un mot : DIS-ZI-PLIN !

En outre, sache que l'évocation du sabre n'était en rien une évocation sexuelle, mais un simple avertissement concernant ta sécurité personnelle. Nan mais j'te jure...

Le mieux, pour le bain, c'est l'huile de bain qui laisse la peau douce et satinée. Les sels de bain ne se dissolvent jamais parfaitement (effet baignoire-râpe à fromage garanti) et le bain moussant chimique assèche terriblement la peau. Voilà, maintenant, tu sais tout.