25 avril 2007

Articulation

L'important quand on donne une information, elle-même contenue dans un flot d'informations que nous tendons à désigner sous le nom de "journal", est la place qu'elle occupera par rapport aux autres informations, afin que le subliminal, cette force si subtile, fasse tranquillement son travail d'association dans notre cerveau. Vous ne donnez que deux informations, mais en les combinant, vous pouvez en donner une troisième, tout en laissant à votre auditeur le sentiment qu'il est libre de sa pensée.

Ce matin, par exemple, le sujet n°1 arrive : la sécheresse, le temps qui se détraque, les agriculteurs qui sont tristes. Depuis que j'ai l'âge d'écouter des journaux, on nous fait pleurer sur les agriculteurs qui n'ont jamais assez d'eau (sécheresse exceptionnelle, sans doute pire que celle 1976, c'est dire !), ou jamais assez de soleil (un été comme ça, c'est pas Dieu possible...). A se demander comment on bouffe encore. Et heureusement qu'on a quand même tous ces nitrates pour bien faire pousser les choux-fleurs, parce que sinon, ça serait encore du rutabaga et du navet matin-midi-et-soir. Pour ce qui est de l'eau, il ne faut surtout pas demander qui pompe de l'eau à outrance depuis des décennies sans rendre de comptes à personne. Si vous n'avez jamais traversé la Beauce en plein après-midi d'été, croyez-moi sur parole : tous les champs sont largement arrosés de 12h à 16h, à l'heure à laquelle ça ne sert à rien, parce que l'eau s'évapore immédiatement... Mais revenons à nos licornes : tout fout le camp, les saisons et nos raisons d'avoir confiance en le monde en même temps.

Sujet n°2 : on vient de découvrir une planète qui serait presque comme la Terre. Enfin sans ces connards d'hommes qui ont tout bousillé, évidemment. C'est presque comme chez nous : il y a de l'eau et des rochers, et il y fait de 0° à 40°. Enfin, d'après les astronomes qui voient ça à des années-lumières. Je ne sais pas trop comment ils font pour voir la température dans un téléscope, mais c'est sans doute parce que je n'ai pas fait de spé physique au bac.

Sujet n°3 : l'association de l'un et de l'autre m'a nécessairement fait penser à "ah ben chouette, on s'est trouvé une Terre de remplacement pour quand ça ira vraiment mal" et "est-ce que je serais vraiment prête à aller quelque part où il n'y a aucun truc plus vieux que moi ?".

Peut-être était-ce totalement involontaire, mais juxtaposer ces deux sujets dans un journal me donne une impression désagréable de me faire manipuler mentalement dans une tentative pitoyable d'alarmisme sur le réchauffement climatique. J'ai le sentiment qu'on ne sait plus quoi inventer pour nous faire peur et nous faire culpabiliser. "Attention, si vous n'êtes pas sage, bientôt, vous devrez aller vivre sur une autre planète", ça a quand même beaucoup plus d'impact que "Attention, si vous n'êtes pas sage, vous allez manger du rutabaga cet été à cause de la sécheresse".

La fin du reportage sur le sujet n°2 m'a rassurée : le voyage dure pour l'instant plusieurs milliers d'année, ce qui devrait nous permettre de manger du rutabaga pendant encore quelques étés sur cette bonne vieille Terre.

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