16 février 2007

Partie

En ce moment, ce n'est pas trop la fête à la maison. Pourtant, c'est les vacances, j'ai passé 10 jours à Montréal, et rien que pour ça, plein de gens m'envient. Mais pendant que j'étais au Canada, ma grand-mère est partie.

Quand ça arrive aux autres, on se dit qu'après tout, c'est normal, que les grands-mères, c'est fait pour partir. Pour faire des confitures aussi, mais surtout pour nous quitter un jour. Mais quand ça nous arrive du jour au lendemain, on trouve encore le moyen d'être étonné, bouleversé, surpris et de se dire que "ce n'est pas possible" et "qu'on ne s'y attendait pas".

On ne sait pas être raisonnable. A 87 ans, on pense encore qu'elle a tout le temps. Qu'on a tout le temps. Et elle part avant qu'on lui ait demandé la recette de ses calamars à l'américaine et avant qu'elle nous explique comment (bien) monter des mailles. Maintenant, elle est sous une dalle de béton toute froide et il va falloir acheter le bouquin de Ginette Mathiot et Le tricot pour les nuls.

Maintenant, je sais qu'il faut toujours s'y attendre, jusqu'à ce que j'oublie, parce qu'on ne peut pas vivre en disant tous les jours que demain, peut-être, l'autre ne sera plus là. On ne peut pas toujours se dire au revoir comme si c'était la dernière fois. Mais ce matin, quand je ne me suis réveillée et que j'ai vu que ma soeur, partie aux aurores, ne m'avait pas dit au revoir pour ne pas me réveiller, j'ai espéré qu'il ne lui arrive rien, pour ne pas rester sur "ça", cette absence d'au revoir. On ne peut pas vivre en se disant qu'on va mourir, mais cette imprévoyance rend la mort encore plus douloureuse. Le seul moment réconfortant a été la cérémonie religieuse, et je ne sais pas comment font les non-croyants pour enterrer les leurs sans ce mince apaisement.

Maintenant, je sais ce qu'il faut faire et dire quand ça arrive aux autres. C'est la première fois que je perds un proche en ayant "l'âge de comprendre". Avant, je minimisais la douleur que pouvait ressentir mes amis dans cette situation. "Une grand-mère, c'est fait pour mourir". Avant, je préférais rester silencieuse, par pudeur, par peur de "remuer le couteau dans la plaie", par crainte de déranger. On ne dérange pas en réalité, on réconforte, et je remercie tous ceux qui ont été près de moi par leur présence ou leur pensée.

Alors voilà, c'est fini. Il faut se plonger dans le matériel : ranger l'appartement, faire le tri des affaires, déménager, nettoyer la cave, organiser les papiers. En réalité, non, ce n'est pas encore fini, pas pour nous.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Je suis désolé pour toi. Je découvre ton blog avec cet article, je te présente mes condoléances. J'étais comme toi jusqu'à ce que ça m'arrive également... Bon courage !

Mademoiselle Coco a dit…

xMerci beaucoup. J'aurais préféré que tu le découvres avec d'autres posts. J'ai la prétention de croire que je suis habituellement légèrement plus légère, voire rigolote ;-)

Anonyme a dit…

Bonjour Mademoiselle Coco.

Ayant vécu à peu près la même situation que toi il y a une semaine, je suis touché par ton billet.

Je pense également que le plus difficile n'est pas pour la personne qui est partie mais bien pour ceux qui restent puisqu'il nous faut respecter l'adage qui veut que le "show must go on"... Et comme ce n'est pas facile, je te souhaite beaucoup de courage.

Permet moi par contre de relever une phrase de ton billet avec laquelle je suis en désaccord (léger certes, mais désaccord quand même)

"On ne peut pas toujours se dire au revoir comme si c'était la dernière fois."

Je considère maintenant que c'est faux.
En effet, la mort peut nous faucher à tout instant, qui que nous soyons. C'est une simple constatation.
Or, comme c'est pour ceux qui nous survivent que c'est toujours le plus dur, vis à vis des personnes qui nous sont chères, je fais attention maintenant de leur dire que je les aime à chaque fois ou presque que je les vois.
C'est peut être niais, c'est peut être mièvre, c'est peut être culcul la praline, mais c'est comme ça... ;)

Mademoiselle Coco a dit…

Bienvenue Le Canard ! Pour notre léger désaccord, je maintiens : il est à mes yeux matériellement et émotionnellement impossible de passer sa vie à vivre chaque moment et chaque rencontre comme s'ils étaient les derniers. Si tu y arrives, bravo. Je crois qu'en ce qui me concerne, je finirais par ne plus avoir de vraie vie, de celle qui vaut le coup d'être vécue, et qui n'est pas qu'une succession d'adieux plus ou moins définitifs...

Anonyme a dit…

je suis très touchée par ce billet aussi, et je t'envoie plein d'ondes positives pour passer ce cap.
ce n'est pas maintenant que c'est fini puisque les semaines qui suivent un décès sont au contraire très occupées. personnellement je trouve ça plus dur quand le vide s'installe dans la durée, au moment où plus personne ne pense à t'en reparler, non plus.

se dire au revoir tous les jours comme si ça pouvait être la dernière fois... je ne crois pas cela possible non plus. j'ai des enfants, je pense tous les jours à tout ce qui pourrait leur arriver, mais leur apprendre à vivre dans un tel stress avec le bisou du matin "au cas où on ne se reverrait plus", non tout de même... moi j'ai l'âge d'y penser mais pas eux.
Et si ça devait leur tomber dessus un jour eh bien il serait largement temps pour eux d'apprendre, à ce moment là, mais qui sait, ils auront peut être aussi l'âge de "comprendre" ...