02 janvier 2007

Je m'interroge (ou : les petites indignations du quotidien)

Ce matin, mon réveil obéit à sa fonction et me réveille. J'ai abandonné l'idéal du réveil en douceur qui ne me réveille vraiment pas. Du coup, mon réveil me réveille avec la radio, les nouvelles du matin, un bon contact violent avec la réalité. Ca ne marche pas toujours, mais quand j'arrive à l'entendre, ça me secoue suffisamment pour me lever généralement.

Je me suis levée rapido ce matin, j'avais eu ma décharge médiatique du jour. Accident d'avion en Indonésie. 102 passagers. 12 survivants. 90 morts. 3 Américains à bord. On espère qu'ils sont parmi les 12 survivants malgré le défi aux règles mathématiques des probabilités que représente cette petite prière.

Il y a deux ans, pour LE tsunami (à croire que ce nom a été inventé pour cette seule et unique tragédie, ça n'existait pas avant, que personne ne savait que c'était possible), ils nous avaient déjà fait le coup. A vrai dire, ils nous font toujours le coup. Le coup du "il y a 129 083 morts dont 2 Suédois, c'est horrible". Pire, le coup du "il y a 376 763 morts. Heureusement, il n'y a pas d'Occidentaux, on peut continuer à vivre normalement, oublier vite les autres".

Mais pourquoi est-il plus tragique pour un Américain, un Allemand ou un Espagnol de mourir que pour un Turkmène ou un Sri Lankais ? Pourquoi devrions-nous nous sentir plus affectés, plus bouleversés par des morts numériquement inférieures mais... qui touchent "les nôtres" ?

Les miens, ce sont les humains. Ce ne sont pas les Français, pas les Européens et encore moins les Occidentaux. Les journalistes doivent penser "qu'après tout, les Somaliens ont plus l'habitude de mourir que nous, alors un de plus ou un de moins...". Ou ils pensent que leur boulot est de jouer sur l'émotion, de créer de l'empathie et que ce n'est possible qu'en nous parlant de gens qui soit disant nous ressemblent.

Soit j'ai, pour une fois, une trop grande confiance dans le genre humain, soit les journalistes se fourrent le doigt dans l'oeil jusqu'au fond du crâne en pensant nous attendrir en nous parlant des Occidentaux comme s'ils étaient des surhommes, dont la vie a nettement plus de valeur. Parce que moi, quand on me parle plus de 3 Américains que de 99 pauvres bougres des "pays du Sud" (douce litote qui nous ferait presque croire qu'il fait bon y vivre) avec des trémolos dans la voix, je n'ai aucune empathie. Et j'espère presque que ces trois là ne s'en sont pas sortis, ne serait-ce que pour rééquilibrer l'injustice dont les 99 autres font l'objet.

[Et non, ce n'est pas de l'anti-américanisme primaire]

3 commentaires:

Jmebalade a dit…

J'ai un peu le même problème lorsque j'entends "il y a 20 morts, dont 2 enfants". Certes, la mort d'un enfant est terrible, mais elle l'est tout autant pour les adultes eux aussi disparus... Cette surenchère médiatique est souvent écoeurante je trouve...

Et comme c'est également d'actualité, bonne année !

Anonyme a dit…

Chère Mlle Coco,

je me suis souvent posée la même question mais plutôt dans le contexte du Monsieur dans le poste annoncant que "parmi les X victimes du crash/nauvrage/lâcher de taureaux et autres se trouvaient X Français".
Et avec le temps (et la grande sagesse), je me suis dit que, peut-être, on nous le signalait parceque proportionnellement (on revient aux satanés stats), le téléspectateur avait plus de chances de connaître une victime française voire même occidentale que sri lankaise, iranienne...
Ainsi cette préférence dans la compassion s'explique par des raisons pragmatiques? peut-être bien...
Sinon, ta note m'a également fait pensée à un séminaire de philo politique de mon 'undergrad'gy sur le thème de la justice globale. Le thème était exactement le même: pourquoi nos responsabilités devraient-elles être (ou pas)restreintes à nos concitoyens?
et une des réponses, un peu légère j'avais trouvé, était géographique: on se sent simplement moins concerné par des gens qui habitent à l'autre bout de la terre et avec qui on partage moins de choses en commun (mis à part, hum, notre humanité comme tu l'as dit) et que notre capacité de compassion et donc d'affiliation s'en trouvent réduites.
Mouaich... Encore que, la cerise sur la gâteau a été l' intervention d'un étudiant norvégien (je croyais qu'ils étaient de gauche ceux-là!) qui a retorqué que nous n'avons pas de responsabilités envers d'autres moins fortunés puisque cette situtation est due à la chance: "they picked the wrong card at birth"... scrumpf...

Waow, ça fait un sacré commentaire! Comme tu vois ta note m'a bien fait réagir ;-) et puis ce séminaire avait été l'un de mes préférés ;-)

Laura

Mademoiselle Coco a dit…

Chère Laura, si tu es bien la Laura à laquelle je pense, ravie de te voir participer à ce blog ;-)

Ayant pour maxime d'accorder toujours le bénéfice du doute, un peu naïvement peut-être, j'espère toujours que la mention du nombre de victimes françaises est en effet due à un souci d'information aussi précise que possible. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je n'ai parlé dans ce billet que de victimes occidentales dont nous (moi tout au moins) ne partageons pas la nationalité. Et à vrai dire, je sais pas si je connais vraiment moins de Turkmène que d'Américains. Bon, j'avoue que si. Mais c'est un hasard ! :-)

Sinon, ton Norvégien m'a l'air d'être vraiment quelqu'un de bien. J'espère que tu as gardé contact... Ce serait dommage de perdre de vue un tel visionnaire.