29 décembre 2006

Le jour où j'ai voulu faire une bonne surprise à mon papa

J'ai toujours aimé faire des surprises, la suivante étant généralement meilleure que la précédente, l'expérience aidant. Pourtant, je crois que l'une de mes meilleurs idées de surprise, je l'ai eue alors que j'étais très jeune et très petite.

Je n'allais pas encore à l'école, je devais avoir 2 ans et demi. Environ. Et pourtant, je me rappelle très bien de cette folle journée durant laquelle ma grand-mère était chargée de ma surveillance. Je commençais à m'ennuyer lorsque j'eus soudainement une idée géniale pour occuper mon après-midi de désoeuvrement comme n'en connaissent que les enfants qui n'ont pas encore franchi la porte de l'école si peu maternelle.

Je décidai de faire comme Papa. J'allais prendre le train et le retrouver à son bureau, ça promettait d'être aussi excitant qu'exotique. Je rentrai dans la chambre de mes parents pour prendre une cravate paternelle dans le placard, afin de peaufiner ma mise en scène. Demandant l'aide de ma grand-mère, je lui expose mes projets. J'ai son assentiment, l'aventure palpitante est lancée.

Je me souviens distinctement d'avoir fait semblant d'être dans le train sur la moquette de ma chambre. Je babillais des ordres de chef de gare. Dans mon monde, on prend le train les uns derrières les autres, à la queuleuleu derrière le chauffeur, assis en tailleur. Il faut dire que je n'avais pas encore suffisamment fréquenté les Transiliens pour pouvoir savoir que les trajets de mon travailleur de père ressemblaient fort peu à la Danse des canards ou autre Patrick Sebastiannerie.

Malgré mes tentatives poussées pour rendre la scène aussi réaliste que possible, il manquait quelque chose : le vécu et le ressenti. Qu'à cela ne tienne, j'irais voir Papa à son bureau pour de vrai.

Toujours plongée dans son repassage, ma grand-mère ne m'a pas entendue tirer un tabouret jusqu'au portail. Elle ne m'a entendue enjamber le portail. Et elle ne m'a pas entendue partir vers des contrées lointaines.

Je me souviens d'avoir pris le chemin de la gare en marchant au milieu de la grande avenue qui y menait, ma cravate nouée à la hâte autour du cou. Et je me souviens d'une grande folle se mettant soudainement à me hurler dessus pour me faire réintégrer le trottoir, et de ma grand-mère arrivant peu après au pas de course, surprise de ne plus rien entendre en provenance de ma chambre. La cavale s'arrêtait là, au bout de 300 mètres, et je me sentais comme un prisonnier ayant raté son évasion. D'autant plus que ce genre de prisonnier bénéfécie à son retour d'une surveillance pénitentiaire d'autant plus étroite, pour éviter toute récidive. Je crois avoir passé le reste de l'après-midi dans les pattes de ma grand-mère avec interdiction formelle de m'en éloigner.

Je ne sais plus en revanche si je me suis fait gronder pour mon imprudence ou si mon noble objet m'a valu une quelconque clémence... Après tout, j'avais obtenu l'absolution de mon aïeule lorsque je lui avais dit "que j'allais au bureau de Papa". Qui a sans doute été très touché que je pense à lui ainsi en plein milieu de l'après-midi. Je ne me souviens pas non plus de la tête de mes parents lorsqu'ils ont eu droit au récit de mes initiatives ambitieuses. Même avec le recul, je n'arrive toujours pas à déterminer s'il s'agissait d'une véritable bêtise.

C'est finalement une anecdote dont je suis plutôt fière. Surtout en comparaison de mes innombrables autres véritables bêtises, nettement moins reluisantes. Pour me faire mousser, j'évite de raconte comment j'ai essayé de faire pipi comme un garçon un matin inspiré (avec une salopette en velours rose pâle qu'il a bien évidemment fallu mettre au sale aussitôt après mes exploits transsexuels), comment j'ai failli mettre le feu à la maison en jouant au Sioux avec la balayette de la cheminée, et surtout comment j'ai pris un bloc WC pour une Chupa Chups un jour d'égarement.

On a tous des anecdotes de notre vie d'enfant. Certaines sont amusantes, certaines ne font rire que ceux qui y étaient, certaines sont datées, et certaines sont humiliantes. Pourquoi les parents ont-ils toujours une nette préférence pour ces dernières lorsqu'il s'agit de raconter en société l'un de nos épisodes glorieux parmi mille ?

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Moi je voulais voir si ma mère existait vraiment. Alors je lui ai planté une épingle dans les fesses.
Verdict : ce n'était pas un mirage.