06 août 2006

Granto bis

Devant les supplications incessantes de certaines et certains, je vais quand même raconter mon granto. Pour ceux qui ne savent pas ce que c'est qu'un granto, vous êtes priés soit de lire mon blog plus souvent, soit d'aller .

Un beau samedi matin de juillet, je me suis levée aux aurores (selon mes standards) pour faire face à mon destin. Un programme comme ça pour une journée, ça motive vous savez. Pimpante, de bonne humeur et même en avance (je devais être dans un état second ce jour-là), je me suis présentée devant l'urne-de-la-vérité-et-du-destin pour piocher mes sujets. Le choix était rude : à ma gauche, "Le changement climatique", un sujet classique mais un peu polémique. J'ébauche un plan dans ma tête : I. il fait de plus en plus chaud. II. Les Américains et les Canadiens sont méchants. Je me dis rapidement que tenir 10 minutes avec le sourire, ça va être difficile.

A ma droite, "Les effets d'aubaine du 11 septembre 2001". J'apprécie qu'ils aient précisé 2001, parce que si jamais il m'était venu à l'idée de parler du 11 septembre 2002, je me serais sans doute plantée. Alors que là, non, c'est bien 2001 dont il faut que je parle. Bon, le point positif, c'est que tout le monde à quelque chose à dire sur le 11 septembre 2001. Moi aussi. D'ailleurs, mon sujet de Questions internationales l'année dernière, c'était "Le 11 septembre" (mais ils n'avaient pas spécifié quelle année là. Etrange... Méfiance, il y a peut-être un piège...) et visiblement, le jury avait aimé ce que j'avais raconté.

Le problème avec "Les effets d'aubaine du 11 septembre 2001", c'est qu'ils ont rajouté des choses. Le 2001, tout énigmatique qu'il soit, ne devrait pas me poser trop de problèmes. En revanche, les effets d'aubaine réduisent considérablement la portée du sujet. J'ai plus à dire que sur le changement climatique, mais il va falloir étirer un peu pour tenir les 10 minutes. Bon. J'étais déjà extrêmement reconnaissante à ma prof de Questions sociales de m'avoir appris il y a deux ans ce qu'est un effet d'aubaine. C'est vrai, ça la fout mal de ne pas comprendre son sujet. Pour expliquer bien ce que c'est, je préfère ne pas me faire confiance, d'autant plus que j'ai trouvé une description particulièrement détaillée sur le site de l'Union européenne (???) :

L'effet d'aubaine se définit comme des effets qui seraient apparus même si le programme de dépenses publiques n'avait pas existé (oui, généralement, l'effet d'aubaine s'applique à des politiques sociales et économiques, et pas du tout aux relations internationales. Passons !). L'effet d'aubaine provient généralement de l'inadéquation des mécanismes de prestation d'un programme (les arrangements organisationnels fournissant aux bénéficiaires prévus les biens et services financés par le programme). En particulier, ces mécanismes ne parviennent pas à cibler correctement les bénéficiaires prévus du programme. De ce fait, d'autres individus ou groupes qui ne font pas partie de la population cible se retrouvent bénéficiaires des avantages générés par le programme. Par exemple, un programme de recyclage destinés aux chômeurs de longue durée (ah, ça se recycle vraiment les chômeurs ?? Et pourquoi qu'ils ont pas de pastille verte sur le front alors ???) peut bénéficier à des personnes qui auraient entrepris un recyclage même en l'absence du programme (par ex. en poursuivant des études supérieures ou en participant à des programmes de formation privés) et peuvent ne pas être de véritables chômeurs de longue durée (ouuuuuuuh, les méchants menteurs qui font croire qu'ils sont chômeurs longue durée alors que c'est faux !!!).

Pour bon nombre de programmes, l'effet d'aubaine est peut-être dans une certaine mesure inévitable. Toutefois, c'est un élément important dans l'évaluation des programmes de dépenses du fait qu'il importe à la fois d'identifier la mesure dans laquelle le programme répond aux besoins de sa population cible et de réduire le gaspillage et l'inefficience dans les dépenses publiques. Il devrait être clair que le problème de l'effet d'aubaine est étroitement lié à celui de l'efficience discuté plus haut: l'effet d'aubaine est réellement un exemple-type d'inefficience d'un programme.



Voilà, je pense que vous avez compris qu'un effet d'aubaine n'a pas grand chose à voir avec le 11 septembre, même 2001. Bon, il y a bien l'Irak et la Tchétchénie, mais je ne suis pas sure de tenir mes 10 minutes. Oh bah c'est pas grave, je vais faire ma première partie en disant que la très grande majorité des conséquences directes du 11 septembre 2001 ne sont pas des effets d'aubaine. ET APRÈS, je montrerai les effets d'aubaine. Brillant, pour gagner du temps, hein !! Humhumhum.

Pendant toute ma préparation, je me demande quelle tête de psychopathe peut bien avoir le mec qui a inventé ce sujet. Tant qu'à faire des sujets qui ne veulent pas dire grand-chose, autant en faire des qui sont marrants. Genre "McDonalds et le 11 septembre" ou "A quoi aurait ressemblé le 11 septembre sans avion ?". Un truc qui demande un petit travail intellectuel quoi... Bref. Fin de la préparation, c'est parti.

"Je suis désolée Mademoiselle, votre jury a beaucoup de retard, il faut que vous attendiez devant la porte". En effet, mon jury a plus d'une demie-heure de retard, ce que je trouve un peu louche à 10h30 du matin... Prendre une demie-heure sur 2 heures de passage, c'est vraiment louche. J'attends patiemment. La porte s'ouvre, une jeune fille sort, les larmes au bord des yeux. "Bon courage, ils sont horriiiiiiiiiiiibles" me dit-elle, la voix chancelante. Sympa, merci pour l'info. Je me convainc que cette fille est juste une gourde psychopathe et que tout se passera bien pour moi.

Je rentre, je sors mon plus beau sourire du dimanche, même si on n'est que samedi et je dis bonjour bien poliment comme ma maman m'a appris. Ils ne lèvent pas la tête de leurs feuilles. Ils ont chacun 363 gobelets de café vides sous le nez. Je commence à comprendre la demie-heure de retard. Je suis en face du Président du jury, à qui je tend mon sujet. Il le regarde, il soupire sans lever les yeux. Je commence.

10 minutes de blabla. La polonaise regarde la porte (à 90° de là où je suis, évidemment) sans prendre de notes. La spécialiste de l'intercommunalité est normale. Mon Président de jury me regarde, soupire, lève les yeux au ciel, me regarde, soupire, lève les yeux au ciel, etc. pendant tout mon exposé. Ambiance.

Vient le temps des rires et des chants. Euh non, des questions, qui me donnent l'impression que mon jury ne sait pas ce qu'est un effet d'aubaine et qu'ils sont donc très déçus que je n'aie parlé que de façon très restrictive des conséquences du 11 septembre (2001 toujours).

"Bon, là, ce que vous avez l'air de dire, c'est que le 11 septembre, c'était une bonne affaire pour tout le monde" Euh... ben... non, mais c'est le principe de l'effet d'aubaine vous savez...

"Et l'Inde ? Quelles ont été les conséquences du 11 septembre sur l'Inde ?" Euh... ben...

"Mais avec le Pakistan, on est copains ou pas ? Sur une échelle de 1 à 10, on est combien copains ?" Euh... ben...

J'en viens à parler d'Israel et de ses problèmes avec les Etats voisins. "Vous croyez vraiment que c'est avec ses voisins frontaliers qu'Israel a des problèmes ? (Pfffffff dédaigneux de mon Président de jury) Israel n'a pas de problème avec ses voisins !!" (je suis passée le 8 juillet. Le 13 juillet, Israel bombardait l'aéroport de Beyrouth. J'aimerais tellement recroiser ce mec aujourd'hui...)

C'est marrant, je m'attendais à être à Questions pour un champion, j'étais finalement au Maillon faible. Je suis sortie de là avec la désagréable impression qu'on n'avait pas testé mes connaissances mais ma résistance psychologique. Et à ce petit jeu-là, je suis très mauvaise, je me laisse avoir sans opposer de résistance, tellement déçue de ne pas plaire à mon jury. "Mais pourquoi ils ne m'aiment paaaaaas ??!" Faut que je travaille ça absolument. Il faudrait peut-être que je trouve une maîtresse Domina ou un truc comme ça pour m'entraîner. Je me vois bien appeler un numéro à 1,34€ la minute. "Bonjour, je voudrais une maîtresse Domina très très méchante calée en Finances publiques et en Questions internationales pour préparer l'oral de l'ENA s'il-vous-plaît-Madame-merci".

En somme, j'ai été un peu déçue par ce qui aurait dû représenter le Höhepunkt de ma scolarité à Sciences Po. Les notes ont fini par tomber, je l'ai eu raduk (ou RLM, ras la moule, comme aime le dire si poétiquement Nadège) et je n'en tire aucune fiertè. D'ailleurs, il n'y a pas de quoi. Menfin maintenant, je suis diplômée, et ça n'a déjà plus aucune importance. C'est comme les notes de bac, on s'en fait une montagne himalayenne, et le lendemain des résultats, on s'en fiche déjà complètement comme de notre première dent de lait (que, de toutes façons, la petite souris a emportée chez elle). Blaserie blaserie...

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