09 avril 2007

On ne doit pas être assez intelligents...

Samedi soir, je suis allée au cinéma avec Pierre et Olivia. Nos bacs + 19 (à nous trois réunis) n'ont pas réussi à venir à bout de Golden door, ce film sur les immigrants italiens du début du XXème siècle. Quand je lis les critiques de la presse intellectualiste, je m'interroge.

Télérama parle d'abord d'une "longue et fascinante séquence d’ouverture, où deux hommes gravissent une colline pareille à un immense tas de rochers, chacun tenant une pierre entre ses dents". Quand vous êtes dans la salle, ça donne en effet deux mecs, mi-hommes mi-bêtes, qui gravissent une montagne pieds nus, avec une pierre entre les dents, pendant une dizaine de minutes. Que ce soit long est indubitable, que ce soit fascinant est plus discutable.

Cette scène inaugurale est à l'image de tout le film : tellement lent et tellement hermétique qu'on a attendu jusqu'à la fin le début du film, avec cette désagréable impression d'être pris pour des cons. Cette façon d'affirmer insidieusement "si vous ne comprenez pas, c'est que vous êtes trop bêtes et que nous n'appartenons pas au même monde culturel" m'insupporte. Ce snobisme pseudo-art-et-essaitiste, c'est du foutage de gueule.

J'avais ressenti la même chose après avoir vu Caché de Haneke l'année dernière : le drame sans dénouement, les questions non élucidées, et le réalisateur qui affirme goguenard que "lui même ne comprend pas son film", "lui même ne connaît pas les réponses". Si j'avais eu envie de me plonger dans des considérations métaphysiques, j'aurais saisi un Heidegger en VO, pas été au cinéma.

Alors oui, il y a quelques passages surréalistes un peu plus réussis. Mais ils sont très rares et ne sauvent pas le film. Même Charlotte Gainsbourg n'arrive pas à créer cette petite étincelle qui nous permettrait de penser qu'on n'a pas complètement perdu notre soirée.

J'aime être remuée quand je sors d'une salle de ciné. La seule émotion qui m'ait envahie samedi soir était la colère d'avoir lâché 9€ pour ça. Et de voir que les journalistes bobos se gargarisent de leurs cris d'admiration béate pour ce nouveau chef d'oeuvre du cinéma italien en rajoute une couche.

Pour revenir à Golden door : il n'y a pas de scénario, il n'y a que des questions restant inexpliquées, il y a de loooooooooongs plans statiques qui n'apportent rien (les 10 minutes sur le mec qui renifle le genou d'une femme, faudra m'expliquer l'intérêt de la scène par rapport au "sens particulièrement inspiré de la composition picturale et au lyrisme subjuguant" dont parle Le Nouvel Obs).

Néanmoins, je vous recommande vivement, en cas de dîner mondain, d'exprimer avec force enthousiasme votre admiration profonde pour ce film. Vous passeriez dans le cas contraire pour l'un de ces cul-terreux, si admirablement dépeints comme de vulgaires bestiaux par Emanuele Crialese, incapables du moindre sens artistique.

Finalement, c'est un peu comme l'art contemporain. Si vous osez affirmer quelques doutes sur la pertinence artistique de la nana qui vend ses tampax usagés comme oeuvres d'art, vous passez tout simplement pour un bouseux sans aucune perspective esthétique. Vous n'avez tout simplement "rien compris à l'art et au geste". Oui, le geste intellectuel est très important, c'est un MANIFESTE, une rébellion silencieuse mais puissante, voyez-vous... Dire que peindre un carré noir est à la portée de tout le monde ne se fait pas non plus. Parce que si vous, vous le faites, vous ne ferez que peindre un carré noir. Alors que l'artiste, lui, peint l'absurdité et la modernité, l'absence de sens et le trop-plein de sens, la vie et la mort. C'est en somme très différent...

N'ayant pas su saisir toute la subtilité magistrale et la beauté intemporelle de ce film, nous sommes allés boire un cocktail pour nous consoler et enterrer nos prétentions intellectuelles. Et ça, c'était très bien... On doit être plus corporel que spirituel...

6 commentaires:

Anonyme a dit…

dommage, il me branchait bien ce film, moi aussi, et il était descendu en flammes par un journal que je ne m'abaisserais pas à lire même dans le métro ;-))))
(article sur cinebel.be)
donc ça me semblait regardable....

par contre je viens enfin de voir "la vie des autres", je suppose que tu y es allée dès sa sortie, je l'ai trouvé très fort...

Anonyme a dit…

clara.be qui a oublié de signer ci-dessus (décidément...)

Anonyme a dit…

le problème avec Télérama, c'est que quand ils adorent un film, soit c'est génial, soit c'est nul, jamais entre les deux. :-à)

Mademoiselle Coco a dit…

Clara > non vraiment, je déconseille ;-) Pour la Vie des autres, je CREVE d'envie de le voir, mais je dois attendre le retour d'un ami du fin fond de la RDC pour ça. J'ai hâte !! Et pour sûr, j'en parlerai...

Anna > j'ai trop peu de temps pour voir tous les films que j'ai envie de voir. Alors j'y cours au feeling sans m'arrêter à ce qu'en dit Télérama. Et comme je suis en général assez cohérent, j'aime beaucoup les films que j'ai véritablement envie de voir ;-) Mais je suis bien d'accord qu'avec T., on ne sait jamais vraiment sur quoi on va tomber... Et puis je suis sure qu'ils ont dit que "Ensemble c'est tout" était une daube sans nom, alors que j'ai adoré et que j'assume très bien le côté "non-intellectuel de la chose". Le cinéma, c'est fait pour y prendre du plaisir !

Anonyme a dit…

J'ai justement trouvé que la force de ce film était sa lenteur berçante. D'habitude je choisis les films que je vais voir en premier lieu pour leur scénario, mais Nuovomondo (pourquoi, mais pourquoi est-il nécessaire de passer une coproduction franco-germano-italienne sous un titre anglais en france ??) a réussi à me faire oublier mes envies de dialogues d'anthologie en me servant un délice visuel d'une beauté rare... Ou était-ce juste la magie du festival de venise qui s'est opérée sur moi à l'époque ?

Mademoiselle Coco a dit…

Kaviarissime > bienvenue ! Peut-être que si je l'avais vu à Venise, j'aurais moins fait la fine bouche ;-)