30 mars 2007

In ze teeth

Parfois, on n'attend rien de personne et on reçoit un peu trop d'un coup. Quand je suis dans le bus, je suis du genre revêche. Je sais, c'est mal, mais la mémé qui m'adresse la parole pour partager avec moi son opinion sur le temps qu'il fait m'insupporte. Si je choisis de prendre le bus plutôt que le métro, c'est principalement pour le luxe relatif que celui-ci offre : presque une bulle de calme et d'apaisement, dans laquelle j'ai le temps de rêvasser en regardant par les fenêtres. C'est comme ça : moi, dans le bus, je me détends. Et les pipelettes solitaires qui cherchent à m'inclure dans leurs divagations de comptoir me détournent de ce noble objectif.

D'ailleurs, je parle de mémé, parce qu'il est statistiquement prouvé par mes propres observations que la population bussesque est majoritairement méméresque. Mais les hommes aussi causent. Il y a ceux qui vous informent de l'arrêt auquel ils descendront, comme ça, pour vous tenir au courant. Il y a ceux qui vous disent d'où ils viennent, où ils vont et pourquoi. Et puis il y a ceux qui s'adressent à vous. Enfin à moi.

"C'est frappant comme vous ressemblez à ma fille" me sort-il, me sortant moi de ma rêverie. Cela explique peut-être pourquoi ce sexagénaire me reluque depuis 10 minutes. Je lève la tête et un sourcil, et lance un poli "ah bon" qui signifiait nettement "qu'est-ce que ça peut me faire ?".

Je ne suis pas asociale, mais :
- si son but était de me révéler l'existence d'une jumelle inconnue, abandonnée comme moi par notre mère et adoptée par une autre famille, je préférais ne pas être au courant
- si son but était de me draguer, je trouvais que le fait de souligner qu'il pourrait être mon père était très peu finaude
- s'il souhaitant enchaîner sur "elle est morte l'été dernier et me manque beaucoup", je préférais fuir avant le déluge.
Je sais, tout ça ne respire pas l'amour du prochain. Mais la suite m'a donné raison : tous les prochains ne méritent pas d'être aimés.

Il continue, pas découragé : "Ce qui est incroyable, c'est que vous avez exactement le même regard qu'elle. Parfois très doux, et parfois très froid, très hautain..." BING BANG BOUM, dans tes dents Jean. "Ce n'est pas une critique", qu'il ajoute, pour se dédouaner. "Mais c'est vrai... très froid, très hautain" rajoute-t-il une couche.

J'arrivai à mon arrêt, j'ai réuni ma dignité et j'ai quitté ma place en lui disant au revoir, de mon plus beau regard hautain. Mais depuis, je m'interroge : et s'il avait raison ? Et si je donnais vraiment cette impression aux gens ?

A vrai dire, c'est fort possible. Je vois exactement de quel regard il veut parler : celui de ma mère, qui n'est pas du tout hautaine. C'est juste qu'elle regarde parfois comme ça, "avec l'air sévère" dixit l'un de mes amis. Et moi aussi je regarde comme ça, quand un inconnu me regarde. Généralement, ça le dissuade de continuer, et c'est exactement le but recherché.

Certaines filles ne peuvent pas vivre sans le regard des autres, de préférence masculins. Moi, quand on me regarde, je me dis que c'est parce que "quelque chose" cloche, que j'ai du rouge à lèvre sur le nez, du persil dans les oreilles ou du caca de pigeon dans les cheveux. Forcément, je préfère quand on ne me regarde pas, et mon regard qui tue est là pour dissuader.

Mais visiblement, ils deviennent un peu trop automatiques mes yeux revolver... de façon complètement inconsciente. Je mentirais si je disais que j'ai oublié cette remarque aussitôt entendue. J'y repense, en me demandant s'il a raison ou s'il vaut mieux que je fasse comme si je n'avais rien entendu. Alors est-ce que je donne trop d'importance à un ringard de bus, ou bien est-ce là le début d'une réflexion salvatrice pour mon capital sympathie ?

[Edit] : je n'y pensais même plus, mais j'ai trouvé une solution. Mardi soir, je me suis achetée les lunettes de soleil de la saison. Avec ça, impossible de voir mes yeux. Et le premier qui dit que ça fait encore plus crâneuse que le regard hautain, je vais lui montrer ce que ça donne une fille qui se la pète, en le tuant de mes yeux revolver...

5 commentaires:

Alternatives républicaines a dit…

C'est juste que tu dois avoir le regard de ceux qui ont une vie intérieure mais qui, en même temps, ont un coeur qui ne demande qu'à s'exprimer. Dans ce bus, tu n'es pas sur le même plan qu'eux. Tu ne partages pas leur réalité. Les inconnus prennent ça pour une attitude hautaine, mais parfois tes pensées trahissent ta vraie nature et ils voient brutalement dans tes yeux quelques flammes de douceur ...
Forcément, ça intrigue :-)

Mademoiselle Coco a dit…

C'est sûr que vu comme ça, c'est déjà plus flatteur ;-) Merci Malakine !

Anonyme a dit…

Regarde-moi pour voir?
Meuuuuh nan!
Bizettes, that's the way you are.

Anonyme a dit…

Si tu savais comme je sais de quoi tu parles!
Tu verras, avec le temps, tu en imposeras plus, et les gens qui n'ont pas de vie intérieure (intellectuelle) n'oseront plus vouloir visiter la tienne. Le monsieur voulait juste exprimer un truc qu'il ne pige pas.
Son expression était agressive, mais son propos c'était juste ce qu'il ne peut dire à sa propre fille "Tu ne me laisses pas t'approcher (t'aimer?)."
Elle est un peu triste cette histoire, mademoiselle.
:)

Mademoiselle Coco a dit…

Ardalia > oh ben moi qui avais déjà peur d'être trop revêche... ça va empirer ?? Ca va saigner dans les bus bientôt ;-)

Et cette lecture des choses me semble tout à fait pertinente, tellement pertinente que je n'y avais pas pensé moi-même, toute égocentrée pour essayer de tirer de cette histoire quelque chose pour moi-même.

Si je le croise, je lui dirai d'entamer une psychothérapie familiale au lieu de me causer !