16 décembre 2006

Hypocrisie, quand tu nous tiens...

Les relations parfois intimes entre presse et monde politique ne sont pas un fait nouveau. Après tout, le milieu professionnel est le premier lieu de rencontre des couples, d'après les sondages de la Sofres. Or puisqu'il est plutôt difficile aux hommes politiques de draguer dans l'Hémicycle, faute de cibles intéressantes, je comprends qu'ils cherchent ailleurs. Or quoi de plus tentant qu'une jeune et jolie journaliste ?

Ce qui est nouveau, c'est que cela fasse débat et pose problème. Le préjugé généralement accepté désormais est qu'une femme qui partage la vie privée d'un homme public n'a plus aucun sens critique. En somme, la mise en couple sonne le glas de sa cervelle : lobotomisée, elle est contrainte de partager celle de son aimé de façon inéluctable. Comme s'il était impossible de ne pas être systématiquement d'accord au sein d'un couple.

L'autre présupposé est que l'amour a REVELE ces femmes à la conscience politique. Pages vierges de toute conviction la veille, elles le virent, rougirent, pâlirent à sa vue et PAF, d'un coup d'un seul, elles ont trouvé la foi politique. Harry Roselmack n'ayant - à ma connaissance - aucune liaison avec Roselyne Bachelot, n'a sans doute aucun avis personnel sur la campagne présidentielle. En revanche, s'il couchait avec MAM, il est certain qu'il perdrait du jour au lendemain toute objectivité.

Après Béatrice Schönberg, c'est à présent au tour de Marie Drucker de faire les frais de cette chasses aux sorcières, qui a étrangement trouvé sa place sur le service public audiovisuel. Le nouveau magazine pour ménagères de moins de 50 ans décérébrées Bon week a jugé utile de publier des photos de cette dernière avec son ministre chéri. Au moins, le nouveau venu dans le paysage journalistique (je parle du magazine, bien entendu) aura réussi à enfin faire parler de lui autrement que pour sa médiocrité. Car soyons clairs, le message de Bon week pour recruter ses lectrices est basique : "Tu en as marre de ta vie de merde, de tes enfants mal élevés (par ta faute) qui te claquent la porte au nez et de ton mari qui ne te regardent même plus (par ta faute) ? Evade-toi avec la vie des stars !". Ils partent de loin et on comprend qu'ils aient eu besoin d'un sacré coup de pouce pour vendre quelques numéros de plus.

Que ce magazine ait pris la décision "d'éclairer le débat public" et "d'informer la société" avec sa révélation est facilement compréhensible du point de vue financier. Ce qui l'est moins est leur hypocrisie flagrante quant aux conséquences anticipées de leur geste. S'ils ont fait tout ça, c'est uniquement pour rendre à Marie Drucker la vie plus facile, pour qu'elle arrête de se cacher, pour qu'elle puisse enfin être heureuse au grand jour ! Et bien évidemment, personnne n'a voulu la mettre dans l'embarras, loin d'eux cette idée. Il suffit de lire l'éditorial de la rédactrice en chef, Nadia Le Brun, qui ne doit être étouffée ni par la bonne conscience ni par la bonne foi :

La rumeur dont bruissait le Tout-Paris politico-médiatique est avérée! [Monsieur X] et la présentatrice du Soir 3, Marie Drucker, semblent filer le parfait amour. [Monsieur X] et la nièce de Michel Drucker viennent même de passer un tendre week-end à Barcelone, s'embrassant sous les yeux des passants... Cette nouvelle soulève la question des liaisons entre pouvoir et médias, dès lors qu'une journaliste connue et un membre du gouvernement tombent amoureux. Béatrice Schönberg, épouse du ministre de l'Emploi Jean-Louis Borloo, a dû mettre entre parenthèses sa carrière de présentatrice du J.T. pendant toute la campagne présidentielle, au prétexte que sa vie privée pourrait nuire à son objectivité journalistique. Avant elle, Anne Sinclair avait démissionné de 7 sur 7. Marie devra-t-elle aussi laisser son fauteuil du Soir 3, pour continuer à aimer librement son ministre ? Ce n'est pas ce que l'on souhaite à une femme. Encore moins à une femme amoureuse...


Mais bien sûr, on y croit à tes espoirs de Sainte-Nitouche-du-languedeputage !

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