13 décembre 2006

Frayeur

On devient vite con. Je m'en suis rendu compte hier. Enfin, je m'en suis à nouveau rendu compte hier. J'ai toujours plus ou moins méprisé intellectuellement les gens qui regardent 30 millions d'amis, parlent à leur chien comme s'il était leur enfant, présentent leur chat dans les concours de beauté et vous racontent que leur lama domestique est très stressé depuis le changement d'heure. Je n'ai pas l'âme animalo-sensible. Je fais partie des méchants humanidés qui considèrent que les animaux sont là pour nous servir. Que s'ils ont des poils, c'est pour qu'on puisse avoir chaud. Et que s'ils ont de la chair, c'est pour qu'on puisse la manger. Et que s'ils ont envie qu'on les traite mieux, ils n'ont qu'à apprendre à parler pour nous le faire savoir.

A côté de ça, je murmure à l'oreille de mes chevaux (enfin non, je n'ai pas une écurie au Champ de Mars, je parle de ceux que je monte) et j'ai le sentiment qu'ils aiment drôlement ça et qu'ils comprennent presque tout. Je trouve certes que le combat pour les droits des animaux n'est pas ce qu'il y a de plus prioritaire au monde, mais que faire souffrir des animaux inutilement alors que d'autres solutions existent n'est pas normal. Et puis surtout, surtout... il y a Kierkegaard. Avant lui, il y a eu Vilnius que j'ai voulu enterrer dans les règles de l'art sous le cerisier dans le jardin de Sciences Po au lieu de le jeter bêtement dans les toilettes comme tout le monde me disait de le faire.

Mais hier, c'est à cause de Kierkegaard que je me suis sentie un peu con, virant incidieusement Mémé-à-son-caniche (car dire caniche-à-sa-mémère est un abus de langage : c'est la Mémé qui vit pour le caniche et non l'inverse). Hier, Kierkegaard n'allait pas très bien. Il nageait sur le dos ou sur le côté, il avait l'air très anxieux (voilà, là, ça commence à déraper... Nan mais vous avez déjà vu un poisson rouge de 2 neurones être anxieux vous ?). Il ne mangeait plus depuis deux jours. Je ne voyais absolument pas quoi faire pour lui, j'étais désemparée. Son eau était propre, à bonne température, il avait de quoi manger, mais ça n'allait pas.

Ce matin, il était dans le même état. Enfin, dès que j'ai allumé la lumière. Avant, il était tout calme. Une fois la lumière allumée et moi, inquiète, le regard plongé dans le sien pour essayer de comprendre ce qui lui arrivait, il recommençait à se tortiller dans tous les sens. S'il avait pu parler, il aurait sans doute hurlé de douleur. A moins qu'il ne soit bon comédien : j'éteins la lumière, il redevient normal. Je rallume, il se retortille. J'ai décidé de partir malgré tout remplir mon cerveau, sans pouvoir m'empêcher au moins une fois par heure (oui bon, ça va, je sais, j'aurais dû dire à chaque instant mais ce n'est pas le cas, j'ai une vie bien occupée moi...) de me demander s'il n'était pas précisément en train de mourir

Entre temps, je me suis renseignée, et il paraît évident qu'il a des troubles de la vessie natatoire (comment ça vous n'en avez rien à foutre de la vie de mon poisson rouge ?). C'est un problème récurrent chez les poissons japonais, donc la prochaine fois, je ne panique pas. Il faut que je lui donne des daphnies (déjà fait) ou des petits morceaux de salade, brocolis ou épinards pochés et il se remettra sans problème.

D'ailleurs, ce soir, il pète la forme. Joyeux, heureux, joueur, il remange et je suis toute contente. Pas de doute, je suis devenue baba, comme je l'étais de Vilnius. On peut prendre toutes les précautions intellectuelles que l'on veut, l'affectif règne... Bientôt, peut-être, une interview à 30 millions d'amis ?

PS / vous pouvez dire que je deviens neuneu hein, je m'en fiche... Je le sais déjà...

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